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Archives du 2 juillet 2025

Topographie d’une absence

Non, ce n’est pas une tragédie. Pas vraiment.
C’est plus discret que ça. Plus lent. Presque poli.
Comme une sonnerie d’alarme qu’on n’entend plus parce qu’elle dure depuis trop longtemps.

Vivre en adulte, ce n’est pas grandir. Ce serait trop clair, trop pédagogique.
C’est plutôt apprendre à faire avec l’absence.
À doser l’espace, à faire le tri entre le silence qui soigne et celui qui ronge.

Les autres parlent de solitude comme d’un état.
Mais il n’y a pas d’état. Il n’y a que des passages.
Des pièces sans lumière, des murs qu’on effleure du bout des phalanges en espérant que la peau, elle, comprenne ce qui échappe aux mots.

L’angoisse, c’est ce bruit sourd qu’on ne localise jamais.
Un tam-tam interne.
Ça vient du ventre, ça s’élève, ça tape doucement sous les côtes avant d’atterrir quelque part derrière les yeux.
Alors on respire. Trop fort. Trop vite.
Comme pour balayer un brouillard avec des bras trop courts.

Il n’y a personne pour répondre.
Pas vraiment.
Juste cette sensation d’être là, intact, minuscule.
Et vivant, justement, parce que personne ne vous regarde.

Il faudrait, peut-être, fermer les yeux.
Mais non.
Il faut les garder ouverts. Lutter contre l’idée d’abandon même dans le noir.
Tirer sur la respiration comme on tire une corde à linge, une dernière fois.
Pour se rappeler qu’on est là. Qu’on pèse. Qu’on pulse.

Mourir seul n’a rien d’héroïque.
C’est une chute banale. Une expiration sans témoin.
Mais avant cette fin — il y a ce théâtre du vide.
Ce face-à-face sans dialogue.
Cette performance involontaire d’un corps qui tient debout, sans personne dans les coulisses.

Et peut-être que c’est ça, être adulte.
Non pas gagner sa vie.
Mais apprendre à ne pas fuir le murmure de sa propre présence.

 
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Publié par le 2 juillet 2025 dans A pile et face