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Le Goncourt qui a volé une vie,

05 Juil

Une enfant laissée pour morte, une voix qu’on refuse d’entendre.

À 5 ans, Saada Arbane est égorgée par des terroristes islamistes dans l’Algérie déchirée de la décennie noire. Ils la laissent pour morte, comme un message, un avertissement cruel : une fille de trop, un corps de trop dans ce chaos sanglant.

Mais Saada ne meurt pas.

Elle survit. Recueillie, adoptée par Madame Zahia Mentouri, une ministre Algérienne, elle grandit dans un foyer aimant. Elle apprend à parler, à lire, à comprendre, à résister. Elle refuse que sa vie soit réduite à une cicatrice, à un numéro dans un récit victimaire. Elle s’élève, libre, cultivée, indocile.

Et pourtant, Saada demeure inaudible.

Une Algérienne libre, donc inaudible ?

Elle ne s’est pas enfuie. Elle n’a pas demandé l’asile en France. Elle vit à Oran, en Algérie, loin des projecteurs occidentaux, loin du récit commode des « sauvetages » occidentaux. Saada ne correspond pas aux stéréotypes qui nourrissent certains milieux littéraires français : pas de voile, pas de posture victimaire postcoloniale, un français impeccable, une éducation solide. Elle refuse d’être la victime que l’on voudrait entendre, et surtout, elle ose accuser un écrivain-star.

Dans le théâtre très codifié du postcolonialisme chic, les femmes du sud ne parlent que quand cela arrange. Saada dérange.

Le Goncourt qui a volé une vie

En 2024, un roman décroche le Prix Goncourt. L’histoire ? Une petite fille algérienne égorgée durant la decennie noire, qui survit et se reconstruit. Un récit bouleversant, encensé par la France intellectuelle, porté sur les plateaux télé. Un écrivain « courageux », qui « donne une voix aux oubliées ».

Seulement cette histoire, ce n’est pas la sienne. C’est celle de Saada Arbane, mot pour mot.

Le problème ? Saada n’a jamais donné son accord. Elle n’a jamais été consultée, ni même mentionnée. Sa vie, son trauma, ses mots ont été volés, transformés en fiction rentable, en mythe littéraire. Son sang, devenu best-seller.

Et quand elle parle, c’est le silence. Puis l’intimidation.

Quand la psychiatre trahit,

Saada croyait être en sécurité. Dans le cabinet d’une psychiatre, elle avait trouvé un refuge, un lieu pour déposer ses douleurs. Mais cette psychiatre est aussi l’épouse de l’écrivain primé.

Les confidences, les fragments de souvenirs, les cauchemars, se retrouvent dans un roman, sans avertissement, sans consentement. Une trahison médicale, intime, symbolique.

Puis vient la tentative d’achat du silence. Une proposition d’arrangement. Saada refuse. Elle ne veut pas être effacée deux fois : d’abord par les terroristes, puis par les élites intellectuelles.

Une plainte. Un micro. Et le mur du silence.

Saada decide de déposer plainte. Contre un Goncourt, une psychiatre, un système qui croit pouvoir tout se permettre, surtout face à une femme arabe.

Surprise : un journaliste algérien lui tend le micro, défendant sa vérité. Mais en France ? Silence. Pas de tribune, pas de soutien, aucune émission. Une omerta.

Saada n’existe pas.

Ce qu’on fait pour les autres, ce qu’on ne fait pas pour Saada

Quand Malala Yousafzai, Mahsa Amini, ou Zahra Joya souffrent, les médias se mobilisent, les campagnes de solidarité s’élèvent, les prix pleuvent.

Pour Saada ? Silence radio, invisibilisation totale, campagnes de diffamation. Pourquoi ?

Parce qu’elle vit en Algérie. Parce qu’elle ne correspond pas au récit exotique que la scène littéraire française affectionne. Parce qu’elle accuse un écrivain protégé. Parce qu’elle refuse de se taire.

Cette inégalité révèle un féminisme à géométrie variable, une solidarité à sens unique.

Ce que Saada révèle de nous,

Son histoire n’est pas qu’un drame individuel. C’est un miroir de nos sociétés, de nos médias, de nos élites.

Elle expose un féminisme clivant, une scène littéraire qui protège ses stars au détriment de la vérité. Elle nous force à questionner qui décide quelles histoires méritent d’être racontées, quelles souffrances valent l’indignation.

Le silence autour de Saada est un appel : à briser le déni, à affronter nos contradictions, à rendre justice à celles qu’on veut faire taire.

Ce combat n’est plus seulement le sien. Il est le nôtre.

Et toi, tu trouves normal, cette injustice ?
Pourquoi certaines voix méritent-elles d’être amplifiées, tandis que d’autres sont étouffées ?
La vraie question, c’est qui a le droit de parler, et qui doit se taire ?

Et toi, t’en penses quoi ?

Le Goncourt 2024.
Le Goncourt 2024. Houris, roman de Kamel Daoud.
 
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Publié par le 5 juillet 2025 dans Litterrature

 

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