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Cercles concentriques.

10 Juil

Une vérité avait fendu l’air.
Lancée sans préméditation.
Comme une pierre dans un lac calme.
Elle n’avait pas encore touché le fond.
Mais les cercles, eux,
commençaient déjà à se former.


Le récit des matins de fin d’été se construit sur des palpitations en forme de houppette :
rondes, lisses, harmonieuses, intimes, nouvelles.

La brise courait le long de l’enfilade des fenêtres ouvertes sur la lumière des premières heures.
Douce. Infiniment douce.

Une poupée oubliée au coin du jardin.
L’oiseau qui se pose dans un bruissement d’ailes sur le bord de la chaise en toile bleu Klein.

La peau, exquisément dorée,
encore tiède au sortir du lit,
sous un pyjama coupé dans un onctueux cachemire blanc.

Elle passait plusieurs fois la main dans ses cheveux très courts,
coupés jusqu’au-dessus des oreilles,
puis tentait de lisser son regard en tapotant doucement sur ses paupières.

C’était un geste appris d’une vieille science japonaise : le taikyoku ken,
la « boxe avec l’ombre ».
Elle appuyait légèrement sur ses rétines,
comme on joue un tempo très lent, libre, tranquille.


À l’étage, l’accord était parfait.
L’odeur du premier café,
la radio qui grésille,
le téléphone qui sonne et que l’on laisse sonner un moment avant de décrocher.

– Allô, disait la voix, encore ensommeillée, à l’autre bout du monde.
– Bonjour. Je te rajoute un peu de lait ? Miel ou sucre ?


Les harmonies étaient forcément légères.
On jouait les retrouvailles à distance
sur une musique minimaliste,
pour mieux parler de l’émotion qui nous tient debout.

– Tu m’entends, ma chérie ?

La voix basse, caressante,
un rien poivrée,
égrenait — au-delà des bornes kilométriques —
un ordonnancement du merveilleux face au monde.

– Tu rentres quand ?
– Franchement… je ne sais pas.
C’est encore plus compliqué que nous le pensions.

Le timbre se voile légèrement.
Un nuage passe.
Les intonations deviennent obliques,
de peur de réveiller les obsessions des corps
qui ont coutume de se mélanger.

– Je dois y aller. Je te rappelle dans la journée. Je t’embrasse.

clic
Le téléphone raccroché.
Les accords s’embrouillent.
La valse ne reprend pas à l’identique.


Une faille.
Subtile. Mais bien là.
Une sorte d’espace à peine visible,
entre ce qu’on dit et ce qu’on ressent.
Entre ce qui a été offert
et ce qui ne sera jamais restitué.

 
3 Commentaires

Publié par le 10 juillet 2025 dans A pile et face

 

3 réponses à “Cercles concentriques.

  1. Avatar de bizak

    bizak

    11 juillet 2025 at 05:11

    C’est toujours un bonheur de vous lire chère Latifa. Vos mots sont toujours imprégnés de douceur et j’adore les lire comme un enfant qui découvre la vie. Tous les sujets que vous approchez deviennent limpides comme l’eau limpide de notre plage de Tighrement à Béjaia, comme dans les temps pas très loin avant qu ‘elle ne soit blindée de mortier fade. Vos mots me ressuscitent chère poétesse. Merci

    Aimé par 1 personne

     
    • Avatar de Jasmins de nuit

      Jasmins de nuit

      11 juillet 2025 at 15:53

      Merci infiniment pour votre message. Je suis touchée par votre lecture attentive et par l’intérêt que vous portez à ce que je publie. C’est toujours encourageant de savoir que nos mots trouvent un écho. Encore merci pour votre bienveillance.

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      • Avatar de bizak

        hamitoucheah

        11 juillet 2025 at 17:25

        Tout le plaisir était pour moi et en outre j’adhère totalement à vos analyses et votre approche concernant ces gens qui vendent leur âme pour un plat de lentille. Ah ! mon pays, ma patrie, comment peut-on ne pas sacraliser ces mots. Gloire à nos martyrs en ces jours de mémoire et d’hommages rendus et tant mérités pour leur sacrifice.

        Aimé par 1 personne

         

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