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Zohran Mamdani, le maire que New York attendait sans y croire,

À 34 ans, le socialiste démocrate du Queens a pulvérisé les codes d’une ville qui se croyait épuisée politiquement. Né en Ouganda, d’origine indienne, musulman, immigré et new-yorkais jusqu’à la moelle, Zohran Mamdani incarne un basculement générationnel, social et moral d’une métropole qui ne veut plus des vieux récits.

Le bruit des rues New-yorkaises a changé de ton mardi soir. Ce n’était pas l’euphorie des grands soirs de baseball ni le vacarme d’un réveillon à Times Square. C’était autre chose : le son discret, obstiné, d’une réinvention politique. Zohran Mamdani, 34 ans, député du Queens, a été élu 111e maire de New York. Premier musulman, premier Sud-Asiatique et le plus jeune depuis le XIXe siècle à accéder à la fonction. Une victoire qui, en apparence, défie la gravité mais en réalité rétablit l’équilibre.

Il aura fallu une campagne d’un an, plus d’un million de portes frappées, cent mille bénévoles – des visages de tous les quartiers, des voix souvent oubliées – pour transformer un simple élu en phénomène politique. L’énergie qui s’en est dégagée n’avait rien de la ferveur habituelle des meetings New-yorkais, elle tenait plutôt du réveil. Dans les immeubles du Bronx, les cafés de Bushwick, les parcs de Jackson Heights, les conversations ont recommencé à parler de “notre ville” au présent.

Cette élection n’est pas seulement une défaite pour Andrew Cuomo, battu pour la seconde fois en cinq mois, ni pour le monde des affaires New-Yorkais qui a englouti 20 millions de dollars dans une bataille perdue. C’est une mise en échec d’un vieux système politique que les électeurs jugent corrompu, figé, hors-sol.

Zohran Mamdani n’a pas promis de miracles. Il a juste promis de la cohérence. Une ville où le prix du logement n’est plus un verdict, où prendre le bus n’est pas un luxe, où la police rend des comptes et où les enfants des immigrés n’ont plus à traduire l’Amérique à leurs parents. Des mots simples, presque naïfs dans le langage politique contemporain. Et c’est précisément ce qui les a rendus explosifs.

Il y a plus d’un siècle, un autre jeune maire, John Purroy Mitchel, avait tenté de secouer la ville. Il voulait éradiquer la corruption et restaurer la confiance. Il avait 34 ans. Il s’est écrasé en avion quatre ans plus tard, après une défaite humiliante. New York a appris à ne plus croire aux réformateurs jusqu’à aujourd’hui.

Mamdani ne cache pas ses positions : hausse d’impôts pour les riches, loyers gelés, transports publics gratuits, réforme profonde de la police. Des propositions qui font grincer Wall Street et hérissent Albany. La gouverneure Kathy Hochul détient les clés du financement de ses projets. L’épreuve de réalité commence le 1er janvier.

Mais sa victoire dépasse déjà le cadre administratif. Elle résonne comme un signal pour le Parti démocrate national : on peut parler d’égalité sans se travestir en centriste prudent, mobiliser la jeunesse sans promesses creuses, rallier les minorités sans folklore identitaire.

Les derniers jours de la campagne ont été durs, parfois laids. Cuomo a joué la carte de la peur : “l’extrémiste de gauche”, “le maire communiste”, “le danger musulman”. Trump, depuis la Maison-Blanche, a renchéri, menaçant d’assécher les fonds fédéraux et de “mettre New York au pas”. Rien n’y a fait. Les électeurs, eux, ont voté pour autre chose. Pour une idée simple : leur ville leur appartient à nouveau.

Le plus frappant, ce n’est pas l’âge de Mamdani. C’est sa capacité à réconcilier une génération avec le mot politique. Il parle de loyers et d’espoir avec la même intensité. Il cite Baldwin autant que le Coran. Il sait que gouverner New York, c’est marcher sur un fil tendu entre le chaos et la beauté.

Un siècle après le “maire enfant” Mitchel, c’est un autre jeune homme qui entre à l’hôtel de ville. Mais cette fois, ce n’est pas la ville qui le porte comme une curiosité. C’est elle qui le réclame.

New York, encore une fois, s’invente un futur.

 
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Publié par le 4 novembre 2025 dans Politique et Société

 

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