Quand la politique prend l’odeur de la naphtaline.
Par un monde essoufflé, aux frontières floues et aux tempes blanchies, les rênes du pouvoir glissent inlassablement entre les mains des mêmes vétérans du siècle dernier. Ils tiennent encore bon, les vieux lions de la géopolitique, cramponnés à leurs trônes comme à des cannes en or. Pendant ce temps, sur les estrades parfumées des sommets internationaux, on martèle un autre refrain, à l’usage du Sud : « Faites de la place à vos jeunes. Libérez la démocratie. Démilitarisez. Respirez. »
Or, regardez bien la scène. Non, pas la façade mais le cœur du pouvoir global.
Trump — 79 ans.
Netanyahu — 75.
Poutine — 73.
Xi Jinping — 72.
Erdogan — 71.
Bienvenue dans le conseil d’administration d’un monde en fin de cycle.



Des dirigeants qui ont grandi avec le transistor et gouvernent avec la nostalgie d’un monde bipolaire. Ils pilotent des nations comme on entretient une vieille Buick : lentement, bruyamment, et sans trop écouter le GPS. Ce sont les gardiens d’un ordre mondial en mode veille. Des hommes qui négocient la paix avec la logique d’un jeu d’échecs de guerre froide.
Le pouvoir, chez eux, ne se transmet pas — il se conserve. Sous vide. Il ne s’altère pas — il s’encroûte. On parle d’alternance politique, mais dans les faits, on recycle les mêmes silhouettes dans des costumes différents, comme un vieux numéro de cabaret qu’on ne parvient plus à annuler.
Et quand un jeune parvient à se hisser sur la scène ? Il fait du vieux.
Prenez Emmanuel Macron : un quadra, certes, mais au logiciel antique. À peine entré en scène qu’il rêve déjà de casernes, de tambours et de mobilisation générale. Le voilà qui exhorte les Français à “se préparer à la guerre”, qui relance l’idée du service militaire comme on ressort une vieille affiche de propagande des années 40, tout en vendant des Rafale aux quatre coins du globe. Ironie suprême : le même Macron fustige les “régimes militaires” Africains avec une morgue coloniale à peine déguisée. La démocratie, oui, mais à sens unique. Les armes pour lui, la paix pour les autres. Les généraux à Paris, les poètes à Alger.
La vraie blague ? Elle est là.
L’Occident donne des leçons de jeunesse et de renouvellement, alors que son propre système politique se sclérose à vue d’œil. Les élections deviennent des remakes sans surprise, les débats sentent le renfermé, et les opposants sont plus souvent des hologrammes que des alternatives. Les boomers continuent de conduire l’avion mais les plans de vol sont datés de 1975.
Et quand ça crashe — car ça crashera — on pointera du doigt les jeunes. Leur insouciance. Leur TikTok. Leur supposé désengagement.
Mais la vérité, brutale, c’est que la démocratie occidentale n’est plus un cycle : c’est une boucle algorithmique. On tourne en rond avec les mêmes profils, les mêmes références, les mêmes fausses promesses. Longévité ne veut plus dire sagesse. Juste présence.
Ininterrompue.
Inaltérée.
Irritante.
Et à ceux qui croient encore que la démocratie est le terrain de jeu de la jeunesse : regardez autour de vous. Les fauteuils sont occupés. Les micros sont branchés. Les archives gouvernent le présent.
Parce que la démocratie sans jeunesse, c’est une dictature au ralenti.
Et cela vaut autant à Bamako qu’à Bruxelles.
La seule différence, c’est le vernis et la langue du communiqué.

