RSS

Archives Mensuelles: juillet 2025

Le Goncourt de la dépossession : ce que l’affaire Saada Arbane dit du mépris français,

 

En 2024, un roman est couronné du plus prestigieux prix littéraire français : le Goncourt. Houris, signé Kamel Daoud, séduit par son « style », son sujet, sa charge tragique. Il raconte l’histoire d’une fillette algérienne, égorgée par des islamistes durant la décennie noire, survivante muette, ressuscitée par les mots.

Une fiction ? Non. Un plagiat ? Plus grave encore : une confiscation.

Car cette histoire, dans ses moindres détails, est celle de Saada Arbane, une femme bien réelle, bien vivante, et bien ignorée. Ce n’est pas une invention littéraire. C’est un récit de chair, de cicatrice, et de mémoire, recyclé sans consentement, déformé sans égard, et monétisé sans éthique.

Une enfant mutilée, devenue femme invisible,

À l’âge de 5 ans, Saada est victime d’une attaque terroriste dans un village d’Algérie. Égorgée, ses cordes vocales sectionnées, elle est laissée pour morte. Elle survit. Elle est recueillie, adoptée par une ministre Algérienne, Madame Zahia Mentouri, qui l’élève avec amour et exigence.

Saada grandit à Oran. Elle apprend à lire, à comprendre le monde. Elle parle — difficilement, par une canule, mais elle parle. Elle écrit. Elle pense. Elle n’a jamais quitté l’Algérie, jamais demandé d’asile en France ou ailleurs en occident, jamais quémandé d’antenne. Et peut-être est-ce précisément pour cela qu’on ne l’entend pas.

Une vie volée, mot pour mot,

Le roman de Kamel Daoud ne s’inspire pas vaguement de ce destin. Il le retranscrit minutieusement : le trauma, le mutisme, le cadre familial, les foulards de luxe, le tatouage, les détails médicaux… jusqu’à sa propre adresse.

L’histoire de Saada, vidée de son nom, devient Houris, un objet littéraire taillé pour les applaudissements des salons parisiens.

Le plus glaçant ? Saada affirme n’avoir jamais été informée. Et elle raconte que sa psychiatre — auprès de qui elle déposait ses souffrances — est l’épouse de l’auteur. Une trahison intime et médicale qui interroge lourdement l’éthique de la démarche.

Accuser la victime, blanchir l’auteur,

Lorsqu’elle découvre le roman, Saada parle. Elle refuse d’être effacée une deuxième fois — après avoir échappé à la mort, elle ne veut pas disparaître dans la fiction d’un autre. Elle dépose plainte. Elle alerte.

Et alors ? Silence.

Pire : la machine médiatique française se retourne contre elle. On murmure qu’elle serait “manipulée par les services Algériens”. Qu’elle “cherche à nuire”. On la psychologise, on la suspecte, on l’invisibilise. Pendant ce temps, Kamel Daoud enchaîne les interviews, les plateaux, les tribunes. Il nie. Il se dit persécuté. Il revêt le costume du “romancier harcelé par l’État Algérien”.

Cette inversion victimaire est d’une violence redoutable : l’agresseur devient martyr, la survivante devient suspecte.

Et personne ne vérifie, insinifiant est le nombre de ceux qui enquêtent. Il suffit de son prestige et de son réseau pour rendre sa version incontestable.

Une Algérienne qui ne rentre pas dans le cadre,

Pourquoi ce mutisme général ? Parce que Saada Arbane ne correspond pas au récit attendu.

Elle ne vit pas en France.

Elle n’est ni voilée, ni “sauvée” par la République.

Elle parle un français parfait.

Elle ne veut pas être une victime spectaculaire.

Et elle ose accuser un écrivain “intouchable”.

Dans les cercles postcoloniaux chics, on écoute les femmes du Sud seulement si elles viennent confirmer les récits convenus : l’exil salvateur, l’émancipation grâce à l’Occident, l’islamisme réduit à un décor. Saada, elle, ne joue pas ce rôle.

Une fiction coloniale sous vernis littéraire,

Ce que révèle cette affaire, ce n’est pas seulement un problème d’éthique individuelle. C’est un malaise structurel dans la façon dont les voix du Sud sont traitées dans la sphère culturelle française.

Kamel Daoud n’a pas “rendu hommage”. Il a parlé à la place. Il n’a pas donné une voix à une oubliée : il l’a dépossédée de la sienne.

Et la France intellectuelle, une fois de plus, a préféré le confort d’un récit bien écrit à la gêne d’une vérité dérangeante.

Ce que nous appelons:

Nous, le comité de soutien a Madame Saada Arbane nous demandons:

Plus d’enquêtes journalistiques indépendantes sur les faits.

Une prise de parole de la part des institutions littéraires françaises.

Un droit de réponse pour Saada Arbane dans les médias qui ont couvert le Goncourt.

Une réflexion de fond sur les mécanismes d’appropriation et d’effacement dans l’industrie littéraire.

Parce que ce silence, ce mépris, cette complicité passive nous concernent toutes et tous.

Parce que ce n’est pas un roman. C’est une mémoire volée. Et il est temps d’y faire face.

 
Poster un commentaire

Publié par le 5 juillet 2025 dans Litterrature

 

Étiquettes : , , ,

Le roman volé de la France.

Il y a des écrivains qu’on lit, et d’autres qu’on exhibe. Des écrivains qui inventent des mondes, et ceux qui empruntent des vies. Kamel Daoud est de ceux qu’on exhibe : sur les plateaux, dans les salons, au sommet des bibliothèques républicaines. Il est devenu cette silhouette rassurante pour un pays inquiet, cet écrivain « d’origine » qui parle mieux qu’un indigène, qui critique mieux qu’un autochtone, qui agite le drapeau de la lucidité tout en faisant l’éloge discret de l’ordre établi.
Mais ce rôle a un prix : il faut plaire. Il faut s’arracher à son peuple pour mieux se lover dans l’ombre d’un autre. Il faut voler des voix, parfois, pour se construire une autorité. Et c’est ce que Kamel Daoud a fait avec Saada Arbane. Ce n’est pas un emprunt. C’est une dépossession. Il n’a pas écrit sur elle, il a parlé à sa place. Et cette substitution-là, si fréquente dans l’histoire coloniale, s’invite désormais dans les marges de la littérature.

La plume devient une mainmise. Le roman devient un viol feutré.

Ce vol-là ne se soigne pas avec un prix littéraire. Il n’appelle ni débat, ni nuance. Il ouvre une faille. Celle où la mémoire des autres devient la propriété d’un seul, légitimé par son style, validé par ses fréquentations, blanchi par la langue française elle-même. Dans cette histoire, ce n’est pas seulement une femme qu’on efface : c’est toute une tradition qu’on dévitalise. C’est la littérature francophone qu’on rend muette, anesthésiée par l’éclat d’une imposture.

Et puis il y a le reste. Il y a cette étrange habitude qu’a Daoud de tirer sur les cibles qu’on lui désigne. Les musulmans ? Il les décrit comme des enfants. Les binationaux ? Comme des citoyens à moitié loyaux. Les femmes ? Comme des abstractions à corriger. Les Palestiniens ? Comme des fictions dérangeantes pour la conscience française. Et les Français « de souche » ? Comme les derniers bastions d’une civilisation en péril, qu’il faudrait peut-être sauver du reste du monde.

Ses mots ressemblent à des diagnostics, mais ils soignent peu. Ils servent surtout à justifier. À blanchir. À nettoyer les mains de ceux qui ne veulent pas se salir. Il est devenu une conscience tranquille de la République : un écrivain arabe qui critique les Arabes, un exilé qui condamne les exilés, un intellectuel qui parle à l’oreille du pouvoir en feignant de lui résister.

Mais que reste-t-il, une fois le théâtre refermé ? Une parole brûlée. Une œuvre trouée. Une littérature trahie par l’un de ses enfants. Kamel Daoud ne fait pas du bien à la France. Il fait du bien à une France qui a peur, qui se crispe, qui préfère le roman à la réalité.

Et cela, ce n’est pas écrire. C’est servir.

 
Poster un commentaire

Publié par le 5 juillet 2025 dans Litterrature

 

Étiquettes : ,

Kamel Daoud ou l’étrange soliloque du converti,

Par un regard venu d’ailleurs, resté lucide.

Il y a quelque chose d’inquiétant, de lassant aussi, à voir chaque semaine Kamel Daoud convoqué sur les plateaux, dans les journaux, sur les scènes de festivals, pour dire son malaise français. Un malaise qu’il croit universel, alors qu’il n’est souvent que le sien.

Selon lui, les Français sont trop mous, les binationaux trop fiers de leur origine, les jeunes générations issues de l’immigration presque traîtres envers leur pays d’accueil. Trop d’Afrique dans les cœurs, pas assez de France dans les tripes.

Étrange paradoxe que celui de cet homme qui se dit “plus Français que les Français”, mais dont l’amour de la République semble passer par le mépris systématique de ses enfants les plus sincères.

Kamel Daoud ne cesse de rappeler qu’il a appris le français à l’université, qu’il est né ailleurs, qu’il a souffert plus que les autres, qu’il mérite plus que les autres. Le mérite, chez lui, devient une frontière. Une arme. Une sorte de naturalisation par le haut, au mépris de ceux qui sont nés en France, ont grandi en France, et n’ont jamais eu besoin de haïr leur culture d’origine pour se sentir français.

Il faut le dire : des milliers de Franco-Algériens, professeurs, soignants, écrivains, artistes, entrepreneurs, œuvrent chaque jour à faire rayonner la France. Discrètement. Authentiquement. Sans injonction à choisir, sans ressentiment colonial recyclé en roman personnel.

Mais ces visages, ces réussites, ces voix apaisées sont invisibilisées par l’ombre bruyante de Daoud. Il est devenu la figure-totem d’un certain fantasme médiatique : celle du “bon immigré” qui cloue au pilori les autres et donne à la France une excuse pour ne pas écouter les voix divergentes.

Ni Amin Maalouf, ni Alain Mabanckou, ni Nina Bouraoui, ni même Alice Zeniter – pour ne citer que ces derniers- n’ont ressenti le besoin d’écraser leur héritage pour appartenir. Ils ont composé. Pensé. Transcendé.

Kamel Daoud, lui, a choisi le combat. Pas celui de la pensée, mais celui de la revanche.

Or la citoyenneté n’est pas une arène où l’on boxe sa propre origine à coups de chroniques hebdomadaires. C’est un exercice patient, quotidien, fait d’écoute, de doutes, de cohabitation.

Le drame, c’est que la France lui tend le micro sans jamais se demander pourquoi crie-t-il si fort. Peut-être parce qu’il lui dit ce qu’elle veut entendre. Peut-être aussi parce qu’elle a oublié d’écouter les autres.
Être français, ce n’est pas faire de la culture un ring.
C’est apprendre à conjuguer. À composer. À exister entre deux mondes sans en détruire un.

Kamel Daoud a peut-être oublié ça.
Nous, non.

 
Poster un commentaire

Publié par le 5 juillet 2025 dans Litterrature

 

Le Goncourt qui a volé une vie,

Une enfant laissée pour morte, une voix qu’on refuse d’entendre.

À 5 ans, Saada Arbane est égorgée par des terroristes islamistes dans l’Algérie déchirée de la décennie noire. Ils la laissent pour morte, comme un message, un avertissement cruel : une fille de trop, un corps de trop dans ce chaos sanglant.

Mais Saada ne meurt pas.

Elle survit. Recueillie, adoptée par Madame Zahia Mentouri, une ministre Algérienne, elle grandit dans un foyer aimant. Elle apprend à parler, à lire, à comprendre, à résister. Elle refuse que sa vie soit réduite à une cicatrice, à un numéro dans un récit victimaire. Elle s’élève, libre, cultivée, indocile.

Et pourtant, Saada demeure inaudible.

Une Algérienne libre, donc inaudible ?

Elle ne s’est pas enfuie. Elle n’a pas demandé l’asile en France. Elle vit à Oran, en Algérie, loin des projecteurs occidentaux, loin du récit commode des « sauvetages » occidentaux. Saada ne correspond pas aux stéréotypes qui nourrissent certains milieux littéraires français : pas de voile, pas de posture victimaire postcoloniale, un français impeccable, une éducation solide. Elle refuse d’être la victime que l’on voudrait entendre, et surtout, elle ose accuser un écrivain-star.

Dans le théâtre très codifié du postcolonialisme chic, les femmes du sud ne parlent que quand cela arrange. Saada dérange.

Le Goncourt qui a volé une vie

En 2024, un roman décroche le Prix Goncourt. L’histoire ? Une petite fille algérienne égorgée durant la decennie noire, qui survit et se reconstruit. Un récit bouleversant, encensé par la France intellectuelle, porté sur les plateaux télé. Un écrivain « courageux », qui « donne une voix aux oubliées ».

Seulement cette histoire, ce n’est pas la sienne. C’est celle de Saada Arbane, mot pour mot.

Le problème ? Saada n’a jamais donné son accord. Elle n’a jamais été consultée, ni même mentionnée. Sa vie, son trauma, ses mots ont été volés, transformés en fiction rentable, en mythe littéraire. Son sang, devenu best-seller.

Et quand elle parle, c’est le silence. Puis l’intimidation.

Quand la psychiatre trahit,

Saada croyait être en sécurité. Dans le cabinet d’une psychiatre, elle avait trouvé un refuge, un lieu pour déposer ses douleurs. Mais cette psychiatre est aussi l’épouse de l’écrivain primé.

Les confidences, les fragments de souvenirs, les cauchemars, se retrouvent dans un roman, sans avertissement, sans consentement. Une trahison médicale, intime, symbolique.

Puis vient la tentative d’achat du silence. Une proposition d’arrangement. Saada refuse. Elle ne veut pas être effacée deux fois : d’abord par les terroristes, puis par les élites intellectuelles.

Une plainte. Un micro. Et le mur du silence.

Saada decide de déposer plainte. Contre un Goncourt, une psychiatre, un système qui croit pouvoir tout se permettre, surtout face à une femme arabe.

Surprise : un journaliste algérien lui tend le micro, défendant sa vérité. Mais en France ? Silence. Pas de tribune, pas de soutien, aucune émission. Une omerta.

Saada n’existe pas.

Ce qu’on fait pour les autres, ce qu’on ne fait pas pour Saada

Quand Malala Yousafzai, Mahsa Amini, ou Zahra Joya souffrent, les médias se mobilisent, les campagnes de solidarité s’élèvent, les prix pleuvent.

Pour Saada ? Silence radio, invisibilisation totale, campagnes de diffamation. Pourquoi ?

Parce qu’elle vit en Algérie. Parce qu’elle ne correspond pas au récit exotique que la scène littéraire française affectionne. Parce qu’elle accuse un écrivain protégé. Parce qu’elle refuse de se taire.

Cette inégalité révèle un féminisme à géométrie variable, une solidarité à sens unique.

Ce que Saada révèle de nous,

Son histoire n’est pas qu’un drame individuel. C’est un miroir de nos sociétés, de nos médias, de nos élites.

Elle expose un féminisme clivant, une scène littéraire qui protège ses stars au détriment de la vérité. Elle nous force à questionner qui décide quelles histoires méritent d’être racontées, quelles souffrances valent l’indignation.

Le silence autour de Saada est un appel : à briser le déni, à affronter nos contradictions, à rendre justice à celles qu’on veut faire taire.

Ce combat n’est plus seulement le sien. Il est le nôtre.

Et toi, tu trouves normal, cette injustice ?
Pourquoi certaines voix méritent-elles d’être amplifiées, tandis que d’autres sont étouffées ?
La vraie question, c’est qui a le droit de parler, et qui doit se taire ?

Et toi, t’en penses quoi ?

Le Goncourt 2024.
Le Goncourt 2024. Houris, roman de Kamel Daoud.
 
Poster un commentaire

Publié par le 5 juillet 2025 dans Litterrature

 

Topographie d’une absence

Non, ce n’est pas une tragédie. Pas vraiment.
C’est plus discret que ça. Plus lent. Presque poli.
Comme une sonnerie d’alarme qu’on n’entend plus parce qu’elle dure depuis trop longtemps.

Vivre en adulte, ce n’est pas grandir. Ce serait trop clair, trop pédagogique.
C’est plutôt apprendre à faire avec l’absence.
À doser l’espace, à faire le tri entre le silence qui soigne et celui qui ronge.

Les autres parlent de solitude comme d’un état.
Mais il n’y a pas d’état. Il n’y a que des passages.
Des pièces sans lumière, des murs qu’on effleure du bout des phalanges en espérant que la peau, elle, comprenne ce qui échappe aux mots.

L’angoisse, c’est ce bruit sourd qu’on ne localise jamais.
Un tam-tam interne.
Ça vient du ventre, ça s’élève, ça tape doucement sous les côtes avant d’atterrir quelque part derrière les yeux.
Alors on respire. Trop fort. Trop vite.
Comme pour balayer un brouillard avec des bras trop courts.

Il n’y a personne pour répondre.
Pas vraiment.
Juste cette sensation d’être là, intact, minuscule.
Et vivant, justement, parce que personne ne vous regarde.

Il faudrait, peut-être, fermer les yeux.
Mais non.
Il faut les garder ouverts. Lutter contre l’idée d’abandon même dans le noir.
Tirer sur la respiration comme on tire une corde à linge, une dernière fois.
Pour se rappeler qu’on est là. Qu’on pèse. Qu’on pulse.

Mourir seul n’a rien d’héroïque.
C’est une chute banale. Une expiration sans témoin.
Mais avant cette fin — il y a ce théâtre du vide.
Ce face-à-face sans dialogue.
Cette performance involontaire d’un corps qui tient debout, sans personne dans les coulisses.

Et peut-être que c’est ça, être adulte.
Non pas gagner sa vie.
Mais apprendre à ne pas fuir le murmure de sa propre présence.

 
Poster un commentaire

Publié par le 2 juillet 2025 dans A pile et face