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Archives de Catégorie: Politique et Société

Zohran Mamdani, le maire que New York attendait sans y croire,

À 34 ans, le socialiste démocrate du Queens a pulvérisé les codes d’une ville qui se croyait épuisée politiquement. Né en Ouganda, d’origine indienne, musulman, immigré et new-yorkais jusqu’à la moelle, Zohran Mamdani incarne un basculement générationnel, social et moral d’une métropole qui ne veut plus des vieux récits.

Le bruit des rues New-yorkaises a changé de ton mardi soir. Ce n’était pas l’euphorie des grands soirs de baseball ni le vacarme d’un réveillon à Times Square. C’était autre chose : le son discret, obstiné, d’une réinvention politique. Zohran Mamdani, 34 ans, député du Queens, a été élu 111e maire de New York. Premier musulman, premier Sud-Asiatique et le plus jeune depuis le XIXe siècle à accéder à la fonction. Une victoire qui, en apparence, défie la gravité mais en réalité rétablit l’équilibre.

Il aura fallu une campagne d’un an, plus d’un million de portes frappées, cent mille bénévoles – des visages de tous les quartiers, des voix souvent oubliées – pour transformer un simple élu en phénomène politique. L’énergie qui s’en est dégagée n’avait rien de la ferveur habituelle des meetings New-yorkais, elle tenait plutôt du réveil. Dans les immeubles du Bronx, les cafés de Bushwick, les parcs de Jackson Heights, les conversations ont recommencé à parler de “notre ville” au présent.

Cette élection n’est pas seulement une défaite pour Andrew Cuomo, battu pour la seconde fois en cinq mois, ni pour le monde des affaires New-Yorkais qui a englouti 20 millions de dollars dans une bataille perdue. C’est une mise en échec d’un vieux système politique que les électeurs jugent corrompu, figé, hors-sol.

Zohran Mamdani n’a pas promis de miracles. Il a juste promis de la cohérence. Une ville où le prix du logement n’est plus un verdict, où prendre le bus n’est pas un luxe, où la police rend des comptes et où les enfants des immigrés n’ont plus à traduire l’Amérique à leurs parents. Des mots simples, presque naïfs dans le langage politique contemporain. Et c’est précisément ce qui les a rendus explosifs.

Il y a plus d’un siècle, un autre jeune maire, John Purroy Mitchel, avait tenté de secouer la ville. Il voulait éradiquer la corruption et restaurer la confiance. Il avait 34 ans. Il s’est écrasé en avion quatre ans plus tard, après une défaite humiliante. New York a appris à ne plus croire aux réformateurs jusqu’à aujourd’hui.

Mamdani ne cache pas ses positions : hausse d’impôts pour les riches, loyers gelés, transports publics gratuits, réforme profonde de la police. Des propositions qui font grincer Wall Street et hérissent Albany. La gouverneure Kathy Hochul détient les clés du financement de ses projets. L’épreuve de réalité commence le 1er janvier.

Mais sa victoire dépasse déjà le cadre administratif. Elle résonne comme un signal pour le Parti démocrate national : on peut parler d’égalité sans se travestir en centriste prudent, mobiliser la jeunesse sans promesses creuses, rallier les minorités sans folklore identitaire.

Les derniers jours de la campagne ont été durs, parfois laids. Cuomo a joué la carte de la peur : “l’extrémiste de gauche”, “le maire communiste”, “le danger musulman”. Trump, depuis la Maison-Blanche, a renchéri, menaçant d’assécher les fonds fédéraux et de “mettre New York au pas”. Rien n’y a fait. Les électeurs, eux, ont voté pour autre chose. Pour une idée simple : leur ville leur appartient à nouveau.

Le plus frappant, ce n’est pas l’âge de Mamdani. C’est sa capacité à réconcilier une génération avec le mot politique. Il parle de loyers et d’espoir avec la même intensité. Il cite Baldwin autant que le Coran. Il sait que gouverner New York, c’est marcher sur un fil tendu entre le chaos et la beauté.

Un siècle après le “maire enfant” Mitchel, c’est un autre jeune homme qui entre à l’hôtel de ville. Mais cette fois, ce n’est pas la ville qui le porte comme une curiosité. C’est elle qui le réclame.

New York, encore une fois, s’invente un futur.

 
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Publié par le 4 novembre 2025 dans Politique et Société

 

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Doomscrolling et surcharge informationnelle : l’épuisement global,

Nous sommes saturés. Pas de nouvelles informations, mais de la présence permanente.

Chaque écran impose son rythme, chaque notification est un tremblement. On ne s’informe plus, on subit. L’attention s’épuise avant même d’avoir trouvé un sens.

Trump a montré la voie : une phrase, un mot, suffisent à créer une tempête. Il ne s’agit pas de gouverner, mais de remplir l’espace. La politique s’est installée dans cette logique, saturer pour occuper, annoncer pour dominer. La réalité devient secondaire.

L’extrême droite dans la lancée prospère sur la haine de l’autre. Cette haine n’est jamais abstraite. Elle a un visage, un accent, une langue, une peau. Et trop souvent, ce visage, c’est le nôtre. La peur de ce que nous désignons comme extérieur finit par nous ronger. Sa méthode repose sur le refus permanent, la dramatisation, le noir complet. Pas de projet, juste de la colère concentrée.

Au milieu, les citoyens épuisés se défendent comme ils peuvent. Chaque information devient une épreuve. Chacun choisit un camp, chacun se protège. Les dirigeants eux-mêmes suivent la cadence des réseaux. Ils ne décident plus, ils réagissent. La vitesse a tué la nuance, l’action s’est perdue dans le flux.

Résultat : un brouillard permanent. Trop de faits, trop d’opinions, trop de bruit. On croit être informé alors que l’on est saturé. La fatigue mentale devient le fond de l’époque. Elle s’installe partout, de Washington à Alger, de Paris à Séoul.

Ce n’est pas un effondrement. C’est une lente érosion de la capacité à penser et à juger. Le remède n’est pas dans la technologie ni dans un discours moral. Il est dans un geste simple et rare, celui de suspendre, regarder, attendre avant de réagir.

Accepter de ne pas tout savoir et de s’en porter mieux.

La démocratie ne manque pas d’informations mais de temps pour respirer.

 
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Publié par le 23 octobre 2025 dans Politique et Société

 

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Netanyahu et Trump redessinent le Moyen-Orient, le reste du monde suit.

Ce n’est pas une table de négociation, c’est un champ de ruines. Et pourtant, c’est là, au cœur de ce qui reste de Gaza, que Benjamin Netanyahu et Donald Trump sont en train de redéfinir le Moyen-Orient – non pas en résolvant le conflit Israélo-Palestinien mais en le vidant de son contenu diplomatique, en le transformant en simple condition préalable à une nouvelle alliance régionale.

Le plan Trump pour Gaza, approuvé par le gouvernement Israélien, présenté comme un projet de « paix durable », ressemble moins à un accord qu’à une architecture de reddition : celle du Hamas, évidemment, mais aussi – plus discrètement – celle du multilatéralisme, de l’ONU, du droit international et des voix Arabes « modérées ».

Dans ce scénario, la paix ne se construit pas à deux, elle s’impose unilatéralement par la force et la désignation des partenaires légitimes. La diplomatie, ici, n’est plus une médiation. C’est une proclamation.

Le contournement assumé de la France et de Riyad

La première victime collatérale est la proposition Saoudo-Française, longtemps présentée comme la seule alternative crédible à une guerre sans fin. Conçue comme une relance du processus de paix fondé sur deux États, avec des garanties internationales, elle portait l’empreinte d’une France qui voulait revenir au centre du jeu diplomatique et d’un Riyad soucieux d’éviter une normalisation à genoux.

Mais cette initiative a été écrasée par la mécanique Trump-Netanyahu avant même d’avoir été formellement rejetée.

L’Arabie Saoudite a été dépossédée de son rôle de médiateur, la France reléguée au rang de spectateur agacé.

Pour Emmanuel Macron, c’est un camouflet diplomatique de première ampleur : non seulement Paris est exclu du format de décision, mais il est délibérément ignoré, comme si la vieille Europe n’avait plus aucune pertinence dans un conflit qui la hante depuis cinquante ans.

L’ONU dévitalisée, le droit relégué,

Ce n’est pas un oubli : le plan Trump-Netanyahu ne fait aucune référence sérieuse à l’ONU. Ce silence est intentionnel. Depuis le premier jour de cette nouvelle séquence, les deux hommes ont agi comme si le droit international n’avait plus de valeur contraignante et l’ONU, plus de légitimité opérationnelle.

Ce n’est pas seulement une critique, c’est une stratégie,

Décrédibiliser l’ONU, la Cour internationale de Justice, les résolutions passées – tout cela sert à créer un vide normatif, dans lequel une nouvelle géopolitique peut émerger. Une géopolitique dans laquelle les États-Unis, Israël, et quelques partenaires soigneusement choisis (Émirats, Bahreïn, peut-être bientôt Riyad) décident de qui est « autorisé à exister » sur la carte du Proche-Orient.

Riyad, cible finale.

C’est là que l’opération prend tout son sens. La guerre à Gaza, les frappes en Syrie, les tensions au Liban, même les provocations contre l’Iran : tout cela converge vers un objectif stratégique unique – forcer l’Arabie Saoudite à signer les Accords d’Abraham. Non pas en tant qu’acte de paix, mais comme acte d’alignement total avec un ordre régional dicté depuis Jérusalem et Washington.

Netanyahu veut cette signature non pour la photo, mais pour l’histoire. Elle viendrait entériner la fin de la centralité Palestinienne dans le monde Arabe, achever le processus d’inversion entamé avec les Émirats et Bahreïn et redéfinir le rapport de force entre sunnites et chiites, entre modérés et résistants, entre puissances Occidentales et rivaux Eurasiens.

Moscou et Pékin en observateurs impuissants.

Face à cette recomposition, que reste-t-il à la Chine et à la Russie ? Officiellement, Moscou condamne les frappes Israéliennes et soutient une solution à deux États. Pékin appelle au cessez-le-feu, se pose en médiateur neutre. Mais la réalité est crue : ni la Russie ni la Chine ne sont capables d’influer sur la dynamique en cours. Elles n’ont ni troupes sur le terrain, ni leviers économiques crédibles, ni accès aux centres de décision.

Netanyahu et Trump ont délibérément neutralisé le format multilatéral dans lequel Moscou ou Pékin auraient pu jouer un rôle. L’arène, désormais, se limite à ceux qui parlent à Tel-Aviv et à la Maison-Blanche. Les autres peuvent commenter, ils ne peuvent plus empêcher.

Une victoire à double tranchant.

Ce que Netanyahu obtient aujourd’hui, c’est une forme de suprématie diplomatique sans précédent pour un Premier ministre Israélien. Il dicte le rythme, choisit les partenaires, fixe les termes. Trump, dans son deuxième mandat, agit non pas en modérateur, mais en catalyseur.

Ensemble, ils déplacent la géopolitique hors des institutions, hors du droit, hors de la mémoire.

Mais cette domination a un prix. Gaza est en ruines. Le Liban est au bord de l’explosion. L’Iran n’a pas dit son dernier mot. Et l’opinion publique Arabe, si elle est contenue aujourd’hui, peut devenir la prochaine onde de choc.

Le plan fonctionne, pour l’instant. Mais si la paix ne vient pas, ce n’est pas une victoire. C’est une accalmie avant la prochaine tempête.

 
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Publié par le 30 septembre 2025 dans Politique et Société

 

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Saada Arbane face à Kamel Daoud: l’autre histoire.

Derrière l’éclat des plateaux télé et la gloire littéraire, l’affaire Saada Arbane contre Kamel Daoud révèle un autre visage : celui d’une lutte pour la dignité et la parole. Dans ce podcast, nous revisitons la chronologie de cette affaire, entre confidences familiales et regards de la diaspora algérienne. Avec Assia Mentouri et Sofiane Djebbar, nous interrogeons : comment une histoire intime se transforme-t-elle en affaire publique ? Et que dit-elle de notre rapport au pouvoir, à la culture et au silence imposé ? Septembre 2025. Domino Podcast est animé par: Zoubida Berrahou, Autrice et Professeur des Universités à Mascara- Algerie. Latifa Kharrat, Journaliste basée a Washington DC.

 
 

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Palestine : la reconnaissance en jeu au cœur des alliances mondiales.



La diplomatie internationale se joue sur le fil d’une ligne fragile entre droit et pragmatisme. Alors que 142 pays de l’ONU appuient la reconnaissance d’un État Palestinien, les choix stratégiques des grandes puissances et des pays arabes redessinent la carte politique du Moyen-Orient.

Montevideo 1933 : les critères d’un État,

La Convention de Montevideo [1]a fixé quatre conditions : population permanente, territoire défini, gouvernement effectif et capacité de relations internationales. La Palestine satisfait ces critères : population enracinée, territoires identifiés — Cisjordanie, Gaza, Jérusalem-Est — et autorité administrative en Cisjordanie, l’Autorité palestinienne. La question n’est donc plus juridique, mais strictement politique.

Paris et Riyad : faire pression par le droit,

Emmanuel Macron et l’Arabie saoudite ont pris l’initiative à New York. Dix pays occidentaux, dont la France, ont soutenu la conférence, soulignant que la solution à deux États ne peut rester un slogan vide.

La Belgique a posé des conditions claires : libération des otages et exclusion du Hamas de la gestion de l’Autorité palestinienne. Le Canada a dénoncé les destructions à Gaza et en Cisjordanie tout en offrant un partenariat pour un avenir pacifique. Ces décisions, prudentes mais symboliques, rapprochent les alliés traditionnels de la majorité des États membres de l’ONU.

Washington : médiation et rôle central,

En marge de l’Assemblée générale, la Maison Blanche compte reunir des dirigeants Arabes — Émirats, Arabie saoudite, Qatar, Égypte, Jordanie, Turquie — pour examiner les moyens de mettre fin à la guerre à Gaza. Ces rencontres précèdent la visite du Premier ministre Israélien à Washington, signalant que les États-Unis restent un interlocuteur clé dans la région tout en maintenant leur soutien à Israël.

Le Qatar, loin d’être paralysé par les frappes Israéliennes sur son territoire, continue ses consultations avec Washington pour infléchir les positions de Tel-Aviv, illustrant la diplomatie régionale multipolaire : chaque acteur jongle entre mécanismes multilatéraux et bilatéraux pour peser sur la situation.

Annexions et levier nucléaire,

La menace Israélienne d’annexer des pans de la Cisjordanie intensifie la pression sur les diplomates internationaux. La conférence Paris-Riyad utilise la reconnaissance comme levier de négociation, tandis que les États-Unis misent sur un alignement stratégique avec Tel-Aviv.

Un facteur stratégique vient s’ajouter : l’accord de coopération nucléaire signé entre l’Arabie saoudite et le Pakistan. Riyad dispose désormais d’un levier indépendant capable d’influencer ses choix diplomatiques et sa position sur la reconnaissance palestinienne.

Netanyahou : le refus d’un compromis,

Benjamin Netanyahou a averti que reconnaître un État Palestinien reviendrait à « récompenser le terrorisme. »

Cette position cristallise l’opposition à toute concession territoriale et influence les calculs diplomatiques des États arabes et des puissances internationales.

Légitimité ou pragmatisme ?

Le contraste est net : la France, la Belgique, le Canada et une majorité de l’ONU misent sur le droit international et la reconnaissance pour créer des conditions tangibles à la solution à deux États.

Les États-Unis combinent soutien à Israël et médiation régionale, privilégiant des résultats pragmatiques à court terme, sans modifier le statu quo.

Entre ces visions, les pays arabes — du Qatar à l’Arabie saoudite, en passant par l’Égypte et les Émirats — doivent choisir : suivre la légitimité internationale ou s’inscrire dans un statu quo tempéré par Washington. Ce choix, plus que les discours officiels, déterminera si la reconnaissance palestinienne reste un horizon symbolique ou devient une réalité capable de transformer durablement la diplomatie au Moyen-Orient.

NDLR:

[1]

La Convention de Montevideo sur les droits et les devoirs des États est un traité signé à Montevideo (Uruguay) le 26 décembre 1933 au cours de la septième Conférence pan-américaine. Le président américain Franklin Delano Roosevelt et son secrétaire d’État Cordell Hull annoncèrent la mise en route de la politique de bon voisinage, qui mettait théoriquement un terme à la doctrine du Big Stick. L’accord est signé avec quelques réserves de la part des États-Unis, du Brésil et du Pérou.

Cette convention est citée en droit international en particulier pour sa définition d’un État souverain comme respectant les quatre critères suivants : « être peuplé en permanence, contrôler un territoire défini, être doté d’un gouvernement, et être apte à entrer en relation avec les autres États ». Cet article est considéré comme du droit international coutumier, c’est-à-dire qu’il s’applique à tous les États, même ceux qui ne sont pas parties à la Convention de Montevideo, car leur pratique est similaire au contenu de l’article.

 
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Publié par le 21 septembre 2025 dans Politique et Société

 

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Un État proclamé, un peuple oublié,

La scène diplomatique de cette semaine illustre une contradiction profonde dans la manière dont les puissances occidentales envisagent la cause Palestinienne. Emmanuel Macron a confirmé son intention d’annoncer la reconnaissance d’un État Palestinien lors de la conférence organisée par la France et l’Arabie saoudite à New York, appuyée par 142 des 193 membres des Nations unies. Mais l’argument qu’il avance est révélateur : il s’agirait, selon lui, d’un moyen d’isoler le Hamas. La reconnaissance est ainsi présentée comme un outil tactique plutôt qu’un acte de justice.

Cette logique déplace le cœur du problème. Elle suggère que la légitimité Palestinienne ne repose pas sur des décennies d’occupation, de dépossession et, aujourd’hui, sur l’évidence d’un désastre humanitaire à Gaza, mais qu’elle doit être validée dans la mesure où elle sert à marginaliser une organisation armée. En réduisant la reconnaissance à une arme contre un adversaire politique, on occulte la réalité : ce n’est pas le Hamas qui rend urgente l’affirmation d’un État Palestinien, c’est la destruction systématique d’un peuple privé de souveraineté.

Dans ce contexte, les États-Unis apparaissent plus isolés que jamais. Washington a choisi de ne pas participer à la conférence et figure parmi les dix seuls pays à avoir voté contre la résolution de l’Assemblée générale soutenant cette initiative. Ce refus traduit une constante : l’alignement absolu de la Maison Blanche sur la politique de Benjamin Netanyahou, au mépris d’un consensus international qui s’élargit de jour en jour.

Le contraste sera d’autant plus marqué que plusieurs alliés traditionnels des États-Unis — le Royaume-Uni, le Canada, l’Australie et la Belgique — ont rejoint la France dans cette reconnaissance. Une dynamique se dessine, qui ne mettra peut-être pas fin à la guerre ni aux souffrances de Gaza, mais qui souligne la fracture grandissante entre l’Amérique et ses partenaires.

La question reste entière : que vaut une reconnaissance si elle n’est pas motivée par l’impératif d’arrêter le bain de sang ? Les Palestiniens ne réclament pas un statut symbolique destiné à contourner le Hamas, mais la possibilité d’exister comme peuple et comme État, à l’abri d’un conflit interminable et d’une violence sans frein.

En insistant sur la marginalisation du Hamas comme justification principale, les capitales occidentales évitent de nommer l’essentiel : le drame de Gaza est d’abord le produit d’une guerre menée sans limites par le gouvernement de droite Israélien, avec l’aval de l’actuelle administration Americaine. Et si cette déclaration de reconnaissance n’est pas accompagnée de décisions concrètes — sanctions économiques, pressions politiques et conditionnalité claire imposées à Benjamin Netanyahou — elle restera lettre morte.

Sans cette volonté d’agir, la reconnaissance risque de n’être qu’un exercice de style diplomatique, caduc dès sa proclamation.

 
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Publié par le 21 septembre 2025 dans Politique et Société

 

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Trois villes, trois mythes de couleur : Tunis, Alger, Chefchaouen.

La culture méditerranéenne raconte généralement ses villes à travers leurs couleurs. Mais derrière la signature esthétique se cache toujours une histoire à démêler.
La Tunisie revendique à juste titre l’invention du duo blanc et bleu, Alger brille depuis des siècles dans son blanc éblouissant et le Maroc a transformé Chefchaouen en carte touristique du « tout-bleu ».

Sauf que derrière cette façade se cache une réalité beaucoup plus complexe.

1. Alger, la blanche originelle.

L’expression « Alger la Blanche » ne relève pas d’une légende marketing moderne. Déjà au XIXᵉ siècle, voyageurs et chroniqueurs Européens décrivaient l’amphithéâtre de maisons blanchies à la chaux qui surplombait la baie.

Les façades n’étaient ni vert clair ni marron comme certains l’ont avancé. Elles étaient recouvertes de chaux, pratique autant qu’esthétique : réflexion de la lumière, fraîcheur intérieure.

Point central : La blancheur d’Alger est un patrimoine authentique, enraciné dans l’histoire ottomane et pré-ottomane, à la fois fonctionnel et symbolique.

2. Tunisie, pionnière du bleu et blanc

À Sidi Bou Saïd, la palette blanc & bleu s’impose dans les années 1920 grâce au baron Rodolphe d’Erlanger et son palais Ennejma Ezzahra.

Le bleu n’est pas qu’une couleur : il est talismanique, psychologiquement rafraîchissant et symboliquement méditerranéen.

Origine et authenticité : Avant Erlanger, les maisons tunisiennes utilisaient déjà la chaux blanche pour leurs façades et le bleu apparaissait dans les décors intérieurs et poteries hérités de l’Andalousie et de l’Afrique du Nord. Erlanger formalise et codifie cette esthétique, mais ne la crée pas ex nihilo.

Diffusion : Dans les années 1930–1950, les habitants adoptent le style, qui devient patrimoine identitaire Tunisien, non imposé par un acteur Européen, bien que sa popularisation soit initialement Européenne.

3. Chefchaouen -Maroc-, la légende bleue et la réalité trouble

Chefchaouen au Maroc, fondée au XVe siècle par des réfugiés Andalous, n’était pas bleue. Les murs blanchis sont repeints en bleu dans les années 1930 par des réfugiés juifs pour des raisons spirituelles et talismaniques.

Le mythe touristique : Dans les années 1990, l’industrie touristique et Instagram font de Chefchaouen la « ville bleue mondiale », effaçant la nuance historique et donnant l’impression d’une tradition séculaire.

Le volet criminel : Rappelons que derrière les ruelles azurées se cache l’un des fiefs historiques de la culture du cannabis au Maroc.

Les collines environnantes, les Rif, produisent du haschich depuis des décennies.

Chefchaouen sert de plaque tournante pour l’exportation clandestine vers l’Europe, mêlant tourisme et trafic de stupéfiants.

Cette double identité — ville pittoresque le jour, plaque tournante de la mafia la nuit — façonne, indeniablement, la perception internationale.

Recap:

La couleur en Méditerranée n’est jamais innocente. Elle raconte la lumière, la religion, le climat, mais aussi le marketing, la mémoire et parfois la criminalité

Alger : blancheur historique, fonctionnelle et authentique.

Sidi Bou Saïd- Tunisie- : bleu et blanc codifié, synthèse d’influences locales et formalisée par un Européen, mais adopté par les habitants.

Chefchaouen – Maroc-: bleu tardif, mythe mondial amplifié par le tourisme, associé à la culture du cannabis et aux réseaux de trafic vers l’Europe.

Entre Alger, Tunis et Chefchaouen, les couleurs racontent autant de vérités que de légendes et révèlent que derrière les cartes postales, il y a toujours plus d’ombres que de lumière.
Photo ci-dessous: Alger la blanche.

 

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Le bleu de l’imposture,

Le Jardin Majorelle serait-il Français ? Entre l’enfance d’Yves Saint Laurent à Oran et la Casa Azul de Frida Kahlo à Mexico, la vérité éclate : le Maroc ne mérite aucun crédit, simple décor d’une imposture culturelle soigneusement montée.

Quand le bleu s’empare de la scène mondiale,

MARRAKECH — Chaque jour, des visiteurs affluent vers le Jardin Majorelle, fascinés par ses murs bleu cobalt, ses palmiers et ses touches de jaune éclatant. Dans le récit Français, ce lieu est présenté comme une création unique : l’invention visionnaire de Jacques Majorelle, ensuite sanctuarisée par Yves Saint Laurent. Mais cette histoire occulte une réalité troublante, qui se joue à des milliers de kilomètres de là, à Mexico.

La Casa Azul de Frida Kahlo, avec ses murs d’un bleu profond, ses accents rouges, jaunes et verts et son jardin luxuriant, existait déjà. Les deux espaces émergent dans les années 1920 et 1930, animés par le même désir : fusionner art, identité et environnement. Pourtant, dans le discours Français, le parallèle reste presque toujours invisible.

Esthétiques parallèles, récits divergents,

À Coyoacán, Kahlo et Diego Rivera transforment une maison familiale en manifeste national. Chaque couleur, chaque plante, chaque objet précolombien affirme la Mexicanité. À Marrakech, le bleu de Majorelle et son jardin exotique sont présentés comme une invention isolée. Le langage visuel se ressemble — primaires saturées sur fond de vert — mais les récits diffèrent radicalement.

Ce silence est révélateur. Reconnaître Kahlo ou les mouvements transnationaux qui ont inspiré ces couleurs fragiliserait le mythe de l’exception française : celui d’un miracle isolé, d’une création née de rien.

Yves Saint Laurent et la palette Algérienne,

Le mythe s’étend à Yves Saint Laurent. On raconte qu’il trouva sa palette à Marrakech. En réalité, son regard s’était formé bien avant, à Oran, en Algérie, où il grandit entouré de façades blanches, de murs ocre, de volets bleu profond et de jardins verts. Marrakech a peut-être ravivé ces souvenirs, mais elle ne les a pas inventés.

Le prix du silence,

Cette omission n’est pas anodine. Elle transforme des traditions artistiques partagées en trophées nationaux, relègue l’Algérie au rang de note de bas de page, et efface le Mexique tout entier. Marrakech, labellisée « ville rouge », n’a jamais produit ce bleu Majorelle : il s’agit d’une couleur importée, étrangère au paysage et à la tradition locale. Ce contraste artificiel renforce l’idée que le Maroc n’a aucun mérite et ne fait que servir de décor à une imposture culturelle Française.

Le résultat n’est pas une histoire globale d’expériences artistiques convergentes sous des soleils similaires, mais une légende soigneusement façonnée d’ingéniosité Française en terre étrangère.

En réalité, la Casa Azul, le Jardin Majorelle et l’enfance Oranaise de Saint Laurent appartiennent à la même histoire mondiale : des artistes confrontés à une lumière écrasante, répliquant par des couleurs franches et inscrivant leur identité dans murs et jardins. La différence réside dans la narration : l’une est célébrée internationalement, l’autre nationalisée et domestiquée.
Photo1:
« La Casa Azul, où Frida a vécu une grande partie de sa vie, mêle art, histoire et émotions. C’est ici que l’on peut comprendre la profondeur de son œuvre, intimement liée à sa vie personnelle, ses souffrances et ses passions. »
Photo2:
« La Casa Azul tient son nom de ses murs vivement peints en bleu cobalt, choix de Frida Kahlo et Diego Rivera pour symboliser leur amour pour la culture mexicaine et l’art populaire. »
Photo3:
Le jardin Majorelle autour de la villa Oasis. Cette dernière servait d’atelier à Yves Saint Laurent, qui avait élu domicile à Marrakech dès 1919.

 

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