Nous allons revenir plusieurs siècles en arrière, changer de genre, pas seulement pour ceux qui sont des hommes mais les femmes sont également concernées et quand il s’agit de parler de Femme Anouar Benmalek l’écrivain Algérien ne nous épargne rien dans son grand “O Maria”. 480 pages
Date de parution: 27/08/2008
Editeur d’origine: Fayard
Langue: Français
“The roman” sans conteste était sujet de débat,cette semaine ,au sein du club de lecture des Algériennes de Washington.
Une rencontre ,au delà de l’emblématique car il s’agit de faire redémarrer une mémoire collective , un voyage périlleux dans les dédales de la féminité conjuguée a l’Algerianite .
Une rencontre très violente avec soi pour commencer et un retour fatalement des plus douloureux sur les années noires de l’Algérie des années 90 .
« Ma mère était cruelle et je l’aimais comme on aime un ange . Elle de son cote ,m’aimait comme on aime un bâtard… »
D’entrée et des les premières lignes du prologue l’auteur s’attaque a l’origine,a l’intrinsèque au fondement de la création et rejette en vrac le sociétal,les us et les conventions.
Le convenu,le mot est lâché et rien ne sera comme avant une fois que vous aurez fermé la 480 énième page de ce livre/colère.
Autrement dit, le roman est un coup de poing que l’on reçoit en pleine figure puisqu’il est question de tout bousculer et de renvoyer dos a dos le christianisme ,l’islam,les morisques,les espagnoles,les femmes ,les hommes,les amoureux,les haineux,les esclaves,les maîtres,la mort ,la vie,la pauvreté,la richesse ,le parental,le filial ,le beau,le laid …
Bref,nous parlons d’un incessant pas en avant et d’un deuxième en arrière.
L’auteur use et abuse de ses propres doutes de ses questionnement , de ses thèses,de ses anti-thèse et nous entraine dans une fatale perdition de l’essentiel: La liberté.
Maria/Aicha,cette espèce de femme/enfant, vierge/catin,humain/fantome,belle jusqu’au saisissement qui se fait capturer par des commerçants d’esclaves et depuis la vie avec un grand « V « s’arrête pour elle car il n’y a pas plus extrême que de perdre sa liberté au profit du pouvoir aveugle de l’humain et c’est tellement retords et c’est tellement violent.
L’auteur fera un vrai choix de la surexposition de l’image et racontera très froidement a coup de zoom, de gros plans et de plans serrés la cruauté humaine .
Il se débattra de bout en bout et procédera a ce que nous appelons communément du rentre dedans ce qui fera dire a certaines lectrices: » j’ai lâché le livre au bout de la 25e page…c’est irrespirable ,c’est trop violent. »
Benmalek a longueur de page déconstruit déboulonne,dissèque,malaxe,remodèle le corps féminin et se fiche de notre horreur . Sa lucidité face a l’histoire et ses ratages est palpable jusqu’au plus profonds plis de notre peau de peau…
Un mea culpa déroutant et sanglant qui vient s’imbriquer sur la période de l’inquisition espagnole dont nous ignorons les détails…les lectrices etaient unanimes a ce propos car elle diront que le roman est avant tout un support historique indéniable et tellement pertinent concernant l’inquisition en Andalousie en 1600 .
» je veux me documenter sur cette période importante de notre identité car l’auteur m’a ouvert les yeux sur une période sciemment oubliée par les historiens Européens et pas suffisamment traités par ces autres Arabes.. » Ajoutera une lectrice.
Une morphologie discursive donc qu’est ce roman/témoignage ,très fouillé qui se décline sous forme d’une mosaïque construite poings fermés et front serré .
Certaines rappellerons pour cela la formation de mathématicien de l’auteur ,féru de détails et épris de logique et cela se sent dans chaque mot savamment choisis et dans chaque phrase patiemment articulée sur fond de respiration/confidence et de mise a nu implacable .
Une des lectrice comparait le roman a un tiroir comprenant d’autres tiroirs secrets et multiplies a l’infini. Nous passons ainsi d’un thème a un autre et d’une découverte a un émerveillement avec une fluidité inouïe.
« Je m’en vais appeler au secours…le Prophète…Jésus…n’importe qui… »
Benmalek s’attaque a l’intouchable et démontre dans ces 480 pages que l’on ne peut pas construire une identité sur le religieux…Que cela est anxiogène ,destructeur et réduit l’homme a l’état de brute…La religion a cessé d’être source de sérénité a partir du moment ou elle a établi des hiérarchies dans la masse humaine et a décrété par la même que telle prière est la référence suprême,exclusive ,unique et tout le reste est blasphème.
A ce stade du débat l’Algérie des années 90 fit une entrée tonitruante et la charge mémorielle se libère assez violemment pour finir par debouler sur la folie.
le pèlerinage était plus que troublant et faisait particulièrement mal,tres mal.
O Maria est un recueil sur l’amour absolu tellement précaire ,une confidence des plus sinistre sur l’enfermement des cœurs et des têtes que l’auteur transcendera a coup de construction cosmique et nous nous soumettons docilement a une sorte de héros/fantôme qui nous parlera longuement sur l’injustice magistrale dont seule la vie est parfois capable et coupable.
O Maria est un roman qui ne fait pas de cadeau.
O Maria est un roman qui avance par la force transgressif et cela fait beaucoup de bien de donner un bon coup de pied dans le politiquement correct.
PS 1:
Ce serait prétentieux de dire que nous avons débattu de tout,lors de notre rencontre, et puiser tous les thèmes traités dans le roman mais cela nous a permis au moins de faire une lecture plurielle d’un récit qui nous concerne et nous permet d’avancer.
PS2:
Bravo a ces Dames qui ont joué le jeu et ont relevé le challenge notamment en oubliant le régime et les calories pour quelques minutes et abuser copieusement d’une tomina au miel made in chez nous.
PS 3:
la prochaine rencontre se déroulera autour du livre de Assia Djebbar :La disparition de la langue française. Avis aux amatrices.Cheers.