Derrière l’éclat des plateaux télé et la gloire littéraire, l’affaire Saada Arbane contre Kamel Daoud révèle un autre visage : celui d’une lutte pour la dignité et la parole. Dans ce podcast, nous revisitons la chronologie de cette affaire, entre confidences familiales et regards de la diaspora algérienne. Avec Assia Mentouri et Sofiane Djebbar, nous interrogeons : comment une histoire intime se transforme-t-elle en affaire publique ? Et que dit-elle de notre rapport au pouvoir, à la culture et au silence imposé ? Septembre 2025. Domino Podcast est animé par: Zoubida Berrahou, Autrice et Professeur des Universités à Mascara- Algerie. Latifa Kharrat, Journaliste basée a Washington DC.
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« Houris », ou les confessions d’un voleur de mémoire – Une enquête sur la fiction qui se voulait vérité.
Il est des livres qui, par leur silence, font plus de bruit que mille cris. Il est des mots, cousus à la main, qui trahissent des corps bien réels. Et il est des écrivains, enfin, qui se prennent pour Dieu, en croyant pouvoir tout inventer, même la douleur des autres. Kamel Daoud, prix Goncourt 2024, est de ceux-là.
I. Un roman né sous de mauvais astres
Juin 2024. Pendant que les bombes réduisent Gaza en poussière et que le monde, figé, redessine ses lignes de fracture, Houris atterrit chez Gallimard. Un roman « troublé dans un monde trouble », vendra-t-on. Et dans le tumulte, un récit : celui d’une femme égorgée par les islamistes, qui survit et renaît mère.
En guise de préface, une phrase piégée : « Ce livre est susceptible d’enfreindre l’article 46 de l’ordonnance 06-01 de 2006 relative à la réconciliation nationale »(1). Autrement dit : ce livre serait illégal en Algérie. Un avertissement lourd, qui confère à l’auteur une aura de dissidence.
Sauf que cet article de loi n’a jamais été appliqué. Ni à Daoud, ni à d’autres écrivains Algériens. Et surtout, il fut promulgué dans un contexte très précis : le post-terrorisme, la paix fragile, les plaies encore béantes. Gallimard le sait. L’auteur aussi. Alors pourquoi l’imprimer en préface ? Pourquoi dégainer une loi caduque, sinon pour dramatiser, enjoliver, victimiser l’écrivain… tout en effaçant les véritables victimes ?
II. Aube n’est pas un mirage. Elle s’appelle Saâda.
Aube, personnage central de Houris, n’est pas le fruit d’une imagination littéraire. Elle est vivante. Elle a un nom : Saâda Arbane. Oranaise. Égorgée dans son enfance. Vivante malgré tout. Elle parle avec une canule. Elle se reconstruit, sans messianisme. Et surtout, elle n’a jamais donné son accord pour figurer dans un roman.
La confidence a été livrée à sa psychiatre. Cette même psychiatre partage la vie de Kamel Daoud. Le fil est ténu. Mais impossible à rompre. Houris n’est pas une fiction. C’est une effraction.
III. « Ce n’est pas elle, ce sont toutes »
Face aux accusations, Daoud nie. Il généralise, noie le poisson. Il parle d’une soixantaine de femmes. Égorgées. Canulées. Archivées. Il affirme avoir enquêté, en juin 2024, pendant un court séjour en Algérie. Un mois où, comme par magie, les chiffres lui auraient sauté au visage.
Mais sur le terrain, rien ne confirme ses propos. Le docteur Aggoune, spécialiste de la décennie noire, est formel : aucune patiente vivante avec une canule. Aucun recensement. Aucune trace d’une autre Aube. Et surtout, aucun précédent dans la littérature algérienne à ce sujet. Daoud est seul avec ses chiffres. Il les invente peut-être. Ou il les maquille.
IV. L’ombre d’un autre plagiat
Le pillage ne s’arrête pas à la vie de Saâda. Il touche aussi la mémoire collective. Nazim Mekbel, fondateur du site Ajouad Algérie Mémoires, affirme que plusieurs passages de Houris sont repris de son site sans autorisation, sans citation, sans la moindre reconnaissance.
Ironie noire : Ajouad est une initiative des enfants des victimes du terrorisme islamiste. Ces enfants, Daoud les fait parler à sa place. Il les dépossède de leurs récits. Puis les dissout dans sa fiction. Même mécanique, même violence que celle infligée à Saâda.
V. Une fiction en contradiction avec elle-même
Houris joue sur une symbolique forte : celle de la rédemption par la maternité. Aube survit. Elle enfante. L’Algérie renaît. Sauf que dans la réalité, Saâda ne porte pas le voile. Elle est citadine. Moderne. Et sa mère adoptive est une ancienne ministre.
Ce détail bouscule tout. Il inverse les rôles. En Algérie, l’État ne massacrait pas. Il fut lui-même victime. Les islamistes, eux, n’ont pas épargné les gouvernants. Le roman de Daoud brouille ces repères. Il recompose l’histoire selon un prisme flou, émotionnel, instable.
Et ce n’est pas nouveau. Dans son roman ÔPharaon, publié avant Houris, Daoud décrivait la décennie noire à travers une toute autre grille de lecture. Il se montrait plus ambigu, flirtait avec une forme d’empathie pour les islamistes, dénonçant un pouvoir corrompu et assassin. Gallimard n’en dit mot. Mieux : l’éditeur a effacé ce livre de la biographie officielle de l’auteur.
Faut-il comprendre que Daoud change de thèse selon les époques ? Ou selon les publics ? Et Gallimard, pourquoi entériner ce grand écart idéologique sans sourciller ?

VI. Gallimard : l’éthique en solde
Qu’une maison comme Gallimard ose publier Houris avec un tel flou sur ses sources, son éthique et sa logique éditoriale interroge. La préface qui brandit une loi algérienne tombée en désuétude. L’occultation de ÔPharaon. Le silence autour du plagiat. Tout cela compose un tableau inquiétant.
La maison Gallimard agit-elle comme un organe de validation coloniale, où la souffrance des autres devient un argument de vente ? Où l’exotisme remplace la rigueur ? Où le fantasme d’une Algérie islamisée en 2024 est plus vendeur qu’un portrait nuancé, donc moins sensationnel ?
VII. Un poison pour la littérature francophone ?
Le scandale dépasse Daoud. Il menace une génération entière d’écrivains francophones. Car en récompensant un roman bancal, bâti sur des témoignages volés, le Goncourt 2024 envoie un message toxique : ce n’est pas la vérité qui compte, mais l’effet de style.
Ce roman, qui se voulait cri de mémoire, est devenu un leurre. Et l’on pourrait bien s’en souvenir comme du jour où la fiction a trahi l’Histoire, où le roman a trahi le réel, où l’écrivain a trahi les vivants.
Last not least
À qui appartient une histoire ?
Et à quel moment devient-elle un vol ?
Et si l’avenir de la littérature francophone se jouait dans cette réponse ?
NDLR:
(1) L’article 46 de l’ordonnance n° 06-01 du 27 février 2006 portant mise en œuvre de la Charte pour la paix et la réconciliation nationale prévoit une peine d’emprisonnement de 3 à 5 ans et une amende à l’encontre de quiconque, par ses déclarations, écrits ou tout autre acte, utilise ou instrumentalise les blessures de la tragédie nationale, pour porter atteinte aux institutions de la République algérienne démocratique et populaire, fragiliser l’État, nuire à l’honorabilité de ses agents qui l’ont dignement servi, ou ternir l’image de l’Algérie sur le plan international.

Emmanuel Macron-Kamel Daoud, les coulisses d’une conversation.
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MAROC VS ALGÉRIE : LA GUERRE DES IMAGES,
« On ne laissera pas les spin doctors humilier notre peuple en ricanant derrière un hashtag. »
Le Maroc attise t-il les haines contre l’Algerie via les reseaux sociaux et les manifestations sportives Africaines et Mondiales?
Incontestablement oui et c’est une stratégie bien plus profonde qu’elle en a l’air. Nous ne sommes pas juste face à des « tensions sportives » ou des clashs d’influence. Ce que nous voyons aujourd’hui, c’est une guerre d’image, de perception et de légitimité — menée par le Maroc contre l’Algérie, mais sur des terrains détournés : réseaux sociaux, arènes sportives et événements culturels.
Objectif : isoler diplomatiquement l’Algérie et la faire passer pour “le problème régional”.
1. Sur les réseaux sociaux : la fabrique de l’ennemi,
Des armées numériques pro-régime Marocain, parfois coordonnées, parfois spontanées.
Narratif dominant : « l’Algérie est jalouse du Maroc », « elle soutient le terrorisme », « elle est arriérée, isolée, soviétique ».
Amplification de la désinformation via des influenceurs, bots ou comptes “patriotiques”.
Ce n’est pas nouveau, mais c’est monté d’un cran depuis les Accords d’Abraham (2020) et la rupture des relations diplomatiques (2021).
Les lignes de front de cette guerre de l’image:
Sujet: Version pro-marocaine
Kabylie “Peuple opprimé”, besoin d’autonomie.
Sahara occidental “Maroc unifié”
Hirak “Révolte étouffée par un régime militaire”
Presse et liberté “Censure d’État en Algérie”
2. Dans le sport : instrumentalisation des émotions
Le foot, les jeux Africains, les coupes arabes deviennent des théâtres de guerre douce :
Chants hostiles anti-algériens organisés dans les stades.
Provocations calculées, parfois soutenues par les fédérations ou les médias proches du pouvoir.
Tentatives de sabotage symbolique : refus de drapeaux, altercations ciblées.
Le sport est utilisé comme levier d’humiliation nationale. Pas comme affrontement fair-play, mais comme outil de construction d’un imaginaire ennemi.
Arret sur le “Onetoutrisme” scandés par les auto-proclamés Hirakistes en chef,
le “Onetoutrisme » donc est un mot moqueur, une construction cynique pour tourner en ridicule un cri collectif.
“ONE, TWO, THREE, VIVA L’ALGÉRIE”, ce slogan est devenu un épouvantail.
Pourquoi ? Parce qu’il est indomptable. Il appartient au peuple.
Le “onetoutrisme” n’est pas né dans les cafés Algérois.
Il vient des cabinets noirs de Paris, des cercles proches du Makhzen, de certains think-tanks cyniques.
Il sert à tuer le symbole par le sarcasme.
Son objectif ?
Faire passer tout ce qui est populaire, patriotique, algérien pour une blague.
Réduire la cause palestinienne, l’attachement au pays, l’amour du maillot, en “naïveté de stade”.
C’est une arme linguistique. Une opération de démoralisation culturelle.
On ne peut pas tuer le cœur du peuple ?
Alors on le moque.
On ne peut pas effacer l’histoire ?
Alors on décrédibilise ceux qui s’en réclament.
Le plus grave ?
C’est quand des Algériens eux-mêmes reprennent ce mot, en mode “autocritique ironique”.
Résultat : ils deviennent les instruments d’une guerre qu’ils ne voient même pas.
Ils tirent sur leur propre récit.
Le Hirak a crié “One, two, three” dans toutes les rues.
Dans toutes les marches.
Dans tous les coins d’Algérie et de la diaspora.
C’est ce cri qui fait peur. Car il unit plus qu’il ne divise.
Si “onetoutrisme” vous fait rire, posez-vous cette question :
Pourquoi personne ne parle de “Makhenisme”, “Marocolepticisme” ou “Israélo-business” ?
Réponse : parce que eux protègent leurs symboles.
3. Pourquoi maintenant ?
Parce que l’Algérie reste l’un des rares États souverains dans la région à :
-S’opposer à toute base militaire étrangère sur son sol.
-Soutenir les mouvements de libération (Palestine, Sahara occidental).
-Défendre un monde multipolaire (via la Chine, le BRICS, la Russie).
-Refuser la normalisation avec Israël.
Pour les alliés du Maroc (France, Israël), l’Algérie est un obstacle.
Et pour Rabat, l’Algérie est la seule vraie menace géopolitique structurée à sa narration hégémonique régionale.
La guerre de l’image est une guerre d’avenir,
Ce n’est plus une guerre d’armée, c’est une guerre de vidéos virales, de hashtags, de “démocratie perçue”.
Le Maroc a un avantage numérique grâce à son ouverture médiatique et ses réseaux d’influence, notamment en France.
Comment l’Algérie peut-elle défendre sa souveraineté narrative sans tomber dans la paranoïa ou la censure ?
Il faudrait probablement :
Investir dans un contre-narratif de qualité, ouvert mais ferme,
Former une génération de journalistes souverains mais crédibles,
Créer des médias panafricains ou arabes influents depuis Alger.
Concernant les reseaux sociaux et pour répondre aux Facebookeurs ou influenceurs DZ qui relaient consciemment ou non une propagande Marocaine anti-Algérie, il faut éviter deux pièges : la paranoïa et le silence.
1. Ne pas jouer leur jeu : répondre sans hystérie
Ne jamais répondre par l’insulte ou la victimisation. C’est ce qu’ils attendent pour faire passer l’Algerie pour un régime fermé, “peureux”, ou “hors d’âge”.
Répondre par la nuance, l’ironie calme, les faits sourcés.
Exemple :
“L’Algérie est finie, regardez le Maroc avec l’occident, c’est l’avenir.” « Harbou a3lina »
“Tu crois que la normalisation, c’est un projet d’avenir, ou juste une fuite en avant ? Parce que du côté de la rue Arabe c’est plutôt vu comme une trahison.”
Reposer des questions : une bonne manière de dégonfler une propagande, c’est de forcer l’autre à expliciter ses sous-entendus.
“Pourquoi une presse qui critique le Makhzen est-elle censurée au Maroc si la liberté d’expression y est si grande ?”
2. Créer du contre-narratif solide, pas juste réactif
Ne te contente pas de réagir aux fake news. Il faut installer un discours alternatif crédible et assumé.
Publie du contenu de fond, sourcé, visuel ( vidéos, threads), qui décortique :
L’ingérence médiatique marocaine dans le monde arabe. La presse Marocaine est financée par certains emirats du Golf
La situation des droits humains au Maroc (Rif, Sahara occidental, journalistes emprisonnés…)
L’hypocrisie de certains influenceurs financés par Rabat ou des lobbies externes.
Expose les incohérences :
“Ils dénoncent l’armée Algérienne, mais n’osent pas parler du rôle du roi comme ‘commandeur des croyants’ ou des prisonniers politiques marocains. Où est la cohérence ?”
cite des voix Marocaines critiques, ça renverse le narratif du “pro-Algérien contre pro-marocain”.
3. Donner de la visibilité a des “contre-influenceurs” Algériens crédibles.
Identifier les influenceurs Algériens patriotes mais lucides
Les aider à construire des contenus à forte valeur ajoutée (et pas juste du trolling)
Créer des alliances dans le monde arabe et occidental avec d’autres influenceurs critiques du Makhzen ou de l’ingérence étrangère.
Déjouer les campagnes coordonnées
Quand tu identifies une campagne coordonnée (hashtags identiques, attaques simultanées sur des pages Algériennes, etc.)
Stratégie : toujours poser des questions
Exemples,
« Si votre modèle est si fort, pourquoi attaquez-vous autant le nôtre ? »
« Critiquer l’Algérie est-il devenu un business rentable pour certains influenceurs ? »
« Et les prisonniers politiques marocains, on en parle ou c’est interdit dans vos partenariats ? »
Sur les attaques contre l’armée Algérienne et l’État
Ce qu’ils disent :
« L’Algérie est une dictature militaire, sans presse libre. »
Réponse :
Est-ce mieux d’avoir une monarchie à vie où le roi est “sacré” et inattaquable ou un État avec une armée puissante, certes, mais dont le pouvoir reste plus débattu et attaqué que celui du roi au Maroc ?
Qui peut aujourd’hui critiquer publiquement le roi Mohamed VI ou l’un des membres de la famille royal sans finir en prison ?
Recap:
Erreur à éviter:
Répondre par l’émotion
Ignorer la guerre numérique
S’enfermer dans le “nous contre eux”.
Réflexe à adopte:
Répondre par la réflexion
Analyser la guerre numerique et la retourner.
Miser sur l’intelligence collective et les faits.
Last not least:
Que ce thread circule.
« On ne laissera pas les spin doctors humilier notre peuple en ricanant derrière un hashtag. »





