RSS

Archives de Tag: Kamel Daoud

Série spéciale: Juste pour rire et ventiler vos nuits caniculaires.

Edito fictif.
Episode1.

(Texte retrouvé dans un carnet noir oublié à Sainte-Anne. Rumeurs d’un manuscrit en gestation.)

Lettre ouverte depuis ma cellule narrative

Par Kamel Daoud, ancien prix Goncourt, ministre déchu, chroniqueur évadé

Il paraît que j’ai perdu la raison. Il paraît que j’ai insulté Boualem. Il paraît que j’ai trahi l’Algérie, la France, Jérusalem, le CRIF, Léa Salamé et même le couscous. Il paraît que j’ai tout dit, tout nié, tout signé. Il paraît que je suis fou.

Mais vous savez ce qui est fou ? Ce n’est pas moi. C’est ce théâtre absurde où un écrivain devient ministre, puis pestiféré, puis exilé, puis demi-dieu en chute libre. C’est ce bal des masques entre Paris, Alger et Rabat, où chacun accuse l’autre d’avoir vendu son âme, alors qu’il n’en a plus depuis longtemps.

Je vais donc tout dire, ici, dans le silence moite d’une chambre blanche aux murs capitonnés.

Sansal, Jérusalem et les faux prophètes,

Boualem est parti à Jérusalem. Pas pour prier. Pas pour écouter. Mais pour exister. Il s’est affiché là-bas comme un vieux prophète en fin de tournée, clignant des yeux face aux flashs, appelant à “plus de dialogue”, comme on appelle un taxi qui ne viendra jamais.

Il a pris la pose, il a tendu la main, il a dit “je suis écrivain”. En vérité, il est devenu un kit de survie dans les dîners du CRIF, une fiole de parfum Algérien pour parfumer l’odeur du colonialisme inversé.

Je ne le juge pas. J’observe. Et j’écris. C’est encore ce que je sais faire de moins mal.

Macron, Mohammed VI et l’exil de salon

Quant à moi, j’y ai cru.

Un instant.

À la République, aux promesses, aux prix littéraires comme viatiques diplomatiques. Mais Macron n’est pas Mitterrand. Il distribue les prix comme on jette des miettes à des pigeons à la terrasse du Flore.

Alors oui, j’ai songé au Maroc. À Mohammed VI. À Casablanca comme lieu de rédemption. J’ai même dit, face caméra, que Rabat sentait moins l’hypocrisie que Saint-Germain-des-Prés. J’ai failli acheter un riad. Mais même là, je suis resté étranger.

Les binationaux, l’OAS et l’oubli,

Je suis revenu à Paris. J’ai dit ce que je pensais. Des binationaux qui haïssent leur origine et la réclament dans la même phrase. Des Algériens de France transformés en totems républicains, puis en déchets quand vient le moment de voter. J’ai insulté les fantômes de l’OAS. J’ai insulté l’oubli.

Et Léa ne m’a même pas répondu.

Dernière confession depuis le bord

L’Algérie a gagné la guerre du récit. Elle l’a gagné parce qu’elle a arrêté de parler.

Moi, je parle encore.

Trop, sans doute.

Trop fort.

Trop seul.

Juillet 2026.

NDLR:

Cet edito est fictif.

 
Poster un commentaire

Publié par le 6 juillet 2025 dans Litterrature

 

Étiquettes : , , , , , ,

les silences pervers …

« Meursault contre- enquête ».
Roman de Kamel Daoud .

« Meursault contre- enquête »,le livre de Kamel Daoud , »Goncourable » a souhait et de ce fait légitimement critiquable sur les 153 pages que Meursaultconstitue le récit de l’enfant de Mostaghanem , ce roman, cousu de bout en bout avec des mots qui pensent, explique que l’on ne naît pas Arabe mais qu’on le devient,l’absurde aidant.
Contrairement a toute logique marketing, l’auteur nous défie d’entrée en déclinant sa narration comme un fantasme, une construction imaginaire, une couleur qui viendrait en deuxième temps pour dire les choses que l’on a tu, pour combler les vides,un caprice littéraire en somme.
L’auteur nous projette dans un tourbillon temporel où passé et présent sont mis a l’épreuve,un incroyable « labourage » a ciel ouvert.

Mais de quoi s’agit -il au juste?
« Meursault contre- enquête » est un livre sur la colère et écrit avec colère.
Une écriture de mec, a coup-de-point crocheté, descendant balancé. les coups pleuvent désespérément contre le « nous collectif  » dans lequel se débat un homme/enfant livré a lui même dans une ville ,elle même livrée aux Roumis,comprendre les colonisateurs, dans la langue plebienne/daridja Algerienne.
153 pages en mode télescopage entre la vie du frère de l’arabe tué dans le livre de Camus et celle de l’auteur ,l’Algerien /post-indépendance,brimé, au mieux bâillonné quand il n’est pas infantilisé par un pouvoir reposant essentiellement sur la légitimité historique a défaut de cette autre fondamentale, la blasphématoire légitimité législative.
Daoud a tressé a longueur de pages un pont entre la vie de l’auteur-le frère de l’arabe- et la sienne de vie en voguant sur une une identité mentale que l’on transcrit a coup de sang et de douleur sur la peau dans l’Algérie de tous les temps et nous lisons:
« Les soûleries fréquentes de Moussa ces derniers temps ,ce parfum qui flottait dans l’air ,ce sourire fier qu’il avait quand il croisait ses amis ,leurs conciliabules trop sérieux,presque comiques et cette façon qu’avait mon frere de jouer avec son couteau et de me montrer ses tatouages:Echedda fi Allah »(« Dieu est mon soutien »). »Marche ou creve »,sur son epaule droite « Tais toi « avec dessiné sur son avant- bras gauche,un cœur brisé.C’est le seul livre ecrit par Moussa.Plus court qu’un dernier soupir,se résumant a trois phrases sur le plus ancien papier du monde,sa propre peau. « 

meursaul1Non concordance des temps,
Le tête a tête avec Meursault ou « mersoul » voire « rassoul » – prophète- n’est décidément pas de tout repos .Le livre se nourrit d’un immense hors champs religieux conforté par une profusion de prophètes . Nous y croisons le prophète Haroun, Moussa-moise- Caïn et Abel, des clergés délurés et des » Ève » en mini jupe se tenant sur la ligne de démarcation qui séparait l’espace terne des arabes de celui plus flamboyant des colons.
Et c’est justement sur cette ligne infime qui sépare le bien du mal, le convenu de l’imprévue, le désir de la répugnance, la cécité de la lucidité que se tient Haroun,le frère de l’arabe faute de tout comprendre.
“Un jour M’ma a voulu que j’aille a la mosquée du quartier,qui sous l’autorité d’un jeune imam,servait plus ou moins de garderie .C’était l’été .M’ma a du me traîner par les cheveux jusque dans la rue ;le soleil était si dur.J’ai réussi a lui échapper me débattant comme un forcené et je l’ai insulté .Puis j’ai couru tout en tenant la grappe de raisin qu’elle m’avait donnée juste avant pour m’amadouer.Dans ma fuite j’ai trébuché ,je suis tombé,et les grains se sont écrasés dans la poussière,J’en ai pleuré,toutes les larmes de mon corps,et j’ai fini par rejoindre la mosquée penaud .Je ne sais pas ce qui m’a pris mais quand l’imam m’a demandé qu’elle était la cause de mon chagrin ,j’ai accusé un gamin de m’avoir battu. C’était, je crois, mon premier mensonge .Mon expérience a moi du fruit volé au paradis.Car a partir de ce moment la,je devins rusé et fourbe,je me mis a grandir. “

L’expansion des corps,
Le roman se décline en 2 tableaux ou espaces scéniques . la ville,le village et accessoirement la mer pour l’extérieur autrement dit le « subit » .
la maison, le bar constitueront,pour leur part ,les voix off ,les intériorités plutôt exiguës, plutôt anguleuses.
L’ espace/bar mal éclairé,embué et cotonneux servait comme une caisse de résonance a une sagesse populaire dans le sens brute et par tas entier.
c’est décidément du « layadjouz  » –l’interdit- que jaillira la lumière.
“Les bars encore ouverts dans ce pays sont des aquariums où nagent des poissons alourdis raclant les fonds. On vient ici quand on veut échapper à son âge, son dieu ou sa femme, je crois, mais dans le désordre. Bon, je pense que tu connais un peu ce genre d’endroit. Sauf qu’on ferme tous les bars du pays depuis peu et qu’on se retrouve tous comme des rats piégés sautant d’un bateau qui coule à un autre. Et quand on aura atteint le dernier bar, il faudra jouer des coudes, on sera nombreux, vieux. Un vrai Jugement dernier que ce moment. Je t’y invite, c’est pour bientôt. Tu sais comment s’appelle ce bar pour les intimes ? Le Titanic. Mais sur l’enseigne est inscrit le nom d’une montagne : Djebel Zendel. Va savoir.”

Extinction des voix,
Meursault contre-enquête est un portrait cruel d’un héros mort né, un héros malgré lui qui aura vécu le temps de 153 pages sur la solitude culturelle,sociale et particulièrement celle de la parole afin de servir d’alibi a d’autres pages écrites , il y a de cela soixante dix ans .
Le frere de l’arabe a l’ombre fuyante a tout faux et c’est ce qui explique en partie ce repli sur soi, ce harcèlement qu’il s’impose avant tout.
Haroun ,un enfant désarment de sincérité confondra le vivre et la vérité .
Il restera a la traîne pour avoir cru a un triste jeu de balle .
Le frère de l’arabe s’épuisera a tenter de découdre les enjeux et les excès auront raison de son manque de poésie.
L’auteur/prophète se fait piéger au final par les multiples contradictions et aucune stratégie de survie ne tiendra devant les silences pervers  mais  tellement confortables a commencer par celui de sa propre mère.
« Aujourd’hui,M’ma est encore vivante mais a quoi bon !Elle ne dit presque rien .Et moi je parle trop,je crois.C’est le grand defaut des meurtries que personne n’a encore puni,ton écrivain en savait quelque chose… »

Meursault contre-enquête est un regard glacial ,une fixité inquiétante ,un panoramique qui nous raconte, pas de la façon dont nous aimons souvent l’image mais l’incroyable est que ça marche puisqu’il s’agit d’un roman qui fera date dans la littérature Algérienne mais pas que,la preuve.
Biographie de l’auteur:
Kamel DAOUD
Né en 1970 à Mostaganem (300 km à l’ouest d’Alger), Kamel Daoud a suivi des études de lettres françaises après un bac en mathématiques. Il est journaliste au Quotidien d’Oran – troisième quotidien national francophone d’Algérie –, où il a longtemps été rédacteur en chef et où il tient depuis douze ans la chronique quotidienne la plus lue d’Algérie. Ses articles sont régulièrement repris par la presse française (Libération, Le Monde, Courrier international…).
Il vit à Oran.Il est l’auteur de plusieurs récits dont certains ont été réunis dans le recueil Le Minotaure 504 (Sabine Wespieser éditeur, 2011) – initialement paru à Alger sous le titre La Préface du nègre (éditions barzakh, 2008) et distingué par le Prix Mohammed Dib du meilleur recueil de nouvelles en 2008. Traduit en allemand et en italien, salué par la critique française, Le Minotaure 504 figurait sur la sélection finale du prix Wepler et sur celle du Goncourt de la nouvelle 2011.
Meursault, contre-enquête, publié en Algérie par les éditions barzakh et en France par Actes Sud, est le premier roman de Kamel Daoud.
Edition Actes Sud.

 
2 Commentaires

Publié par le 4 novembre 2014 dans Litterrature

 

Étiquettes : , , , ,