Ce n’est pas une table de négociation, c’est un champ de ruines. Et pourtant, c’est là, au cœur de ce qui reste de Gaza, que Benjamin Netanyahu et Donald Trump sont en train de redéfinir le Moyen-Orient – non pas en résolvant le conflit Israélo-Palestinien mais en le vidant de son contenu diplomatique, en le transformant en simple condition préalable à une nouvelle alliance régionale.
Le plan Trump pour Gaza, approuvé par le gouvernement Israélien, présenté comme un projet de « paix durable », ressemble moins à un accord qu’à une architecture de reddition : celle du Hamas, évidemment, mais aussi – plus discrètement – celle du multilatéralisme, de l’ONU, du droit international et des voix Arabes « modérées ».
Dans ce scénario, la paix ne se construit pas à deux, elle s’impose unilatéralement par la force et la désignation des partenaires légitimes. La diplomatie, ici, n’est plus une médiation. C’est une proclamation.
Le contournement assumé de la France et de Riyad
La première victime collatérale est la proposition Saoudo-Française, longtemps présentée comme la seule alternative crédible à une guerre sans fin. Conçue comme une relance du processus de paix fondé sur deux États, avec des garanties internationales, elle portait l’empreinte d’une France qui voulait revenir au centre du jeu diplomatique et d’un Riyad soucieux d’éviter une normalisation à genoux.
Mais cette initiative a été écrasée par la mécanique Trump-Netanyahu avant même d’avoir été formellement rejetée.
L’Arabie Saoudite a été dépossédée de son rôle de médiateur, la France reléguée au rang de spectateur agacé.
Pour Emmanuel Macron, c’est un camouflet diplomatique de première ampleur : non seulement Paris est exclu du format de décision, mais il est délibérément ignoré, comme si la vieille Europe n’avait plus aucune pertinence dans un conflit qui la hante depuis cinquante ans.
L’ONU dévitalisée, le droit relégué,
Ce n’est pas un oubli : le plan Trump-Netanyahu ne fait aucune référence sérieuse à l’ONU. Ce silence est intentionnel. Depuis le premier jour de cette nouvelle séquence, les deux hommes ont agi comme si le droit international n’avait plus de valeur contraignante et l’ONU, plus de légitimité opérationnelle.
Ce n’est pas seulement une critique, c’est une stratégie,
Décrédibiliser l’ONU, la Cour internationale de Justice, les résolutions passées – tout cela sert à créer un vide normatif, dans lequel une nouvelle géopolitique peut émerger. Une géopolitique dans laquelle les États-Unis, Israël, et quelques partenaires soigneusement choisis (Émirats, Bahreïn, peut-être bientôt Riyad) décident de qui est « autorisé à exister » sur la carte du Proche-Orient.
Riyad, cible finale.
C’est là que l’opération prend tout son sens. La guerre à Gaza, les frappes en Syrie, les tensions au Liban, même les provocations contre l’Iran : tout cela converge vers un objectif stratégique unique – forcer l’Arabie Saoudite à signer les Accords d’Abraham. Non pas en tant qu’acte de paix, mais comme acte d’alignement total avec un ordre régional dicté depuis Jérusalem et Washington.
Netanyahu veut cette signature non pour la photo, mais pour l’histoire. Elle viendrait entériner la fin de la centralité Palestinienne dans le monde Arabe, achever le processus d’inversion entamé avec les Émirats et Bahreïn et redéfinir le rapport de force entre sunnites et chiites, entre modérés et résistants, entre puissances Occidentales et rivaux Eurasiens.
Moscou et Pékin en observateurs impuissants.
Face à cette recomposition, que reste-t-il à la Chine et à la Russie ? Officiellement, Moscou condamne les frappes Israéliennes et soutient une solution à deux États. Pékin appelle au cessez-le-feu, se pose en médiateur neutre. Mais la réalité est crue : ni la Russie ni la Chine ne sont capables d’influer sur la dynamique en cours. Elles n’ont ni troupes sur le terrain, ni leviers économiques crédibles, ni accès aux centres de décision.
Netanyahu et Trump ont délibérément neutralisé le format multilatéral dans lequel Moscou ou Pékin auraient pu jouer un rôle. L’arène, désormais, se limite à ceux qui parlent à Tel-Aviv et à la Maison-Blanche. Les autres peuvent commenter, ils ne peuvent plus empêcher.
Une victoire à double tranchant.
Ce que Netanyahu obtient aujourd’hui, c’est une forme de suprématie diplomatique sans précédent pour un Premier ministre Israélien. Il dicte le rythme, choisit les partenaires, fixe les termes. Trump, dans son deuxième mandat, agit non pas en modérateur, mais en catalyseur.
Ensemble, ils déplacent la géopolitique hors des institutions, hors du droit, hors de la mémoire.
Mais cette domination a un prix. Gaza est en ruines. Le Liban est au bord de l’explosion. L’Iran n’a pas dit son dernier mot. Et l’opinion publique Arabe, si elle est contenue aujourd’hui, peut devenir la prochaine onde de choc.
Le plan fonctionne, pour l’instant. Mais si la paix ne vient pas, ce n’est pas une victoire. C’est une accalmie avant la prochaine tempête.
















