
Une mise en scène des plus ordinaire, une ville, un café et les clients de 10h du matin
détendus et a majorité féminine .

Le bruit que faisait la carte de crédit que l’on passait dans le terminal de paiement électronique était particulièrement jouissif ce jour-là…Un,deux puis quatre magasins douillets,colorés de cette touche discrète et particulièrement chic avec des mannequins sympathiques et aimables prêts a se plier en quatre pour vous satisfaire…
Elle regardait.
Elle caressait la matière.
Elle se laissait séduire par la fluidité des coupes.
Elle vérifiait les coutures ,retouchait mentalement l’image dans l’intimité des cabines d’essayages et répondait en souriant généreusement a la vendeuse tout en restant attentive a la voix qui lui parvenait de la radio…C’est curieux le rapport qu’elle a développé au fil des ans avec l’ouïe.
Son oreille devenait progressivement le souffle de sa vie,le lieux incontournable des croisements éphémères ,ou pas d’ailleurs, de ses palpitations .
Boulot,vie familiale et cette autre sociale,tous passaient par l’oreille …
Au final, elle n’est qu’une résonance magnétique de voix multiples qui se déplacent…Une sorte de phonographe version RH – Un grand label Américain-.
Un phonographe donc que l’on raccorde a un I phone afin de faire vibrer les instants du maintenant associés aux tonalités d’hier …le résultat est magistralement époustouflant : un grain de voix présent/ancien ,une sorte d’alibi rétrospectif.
l’autre voix était quelque peu embuée ce matin…comme fragilisée malgré le ton qui se voulait rassurant:
_ »c’est juste une petite fièvre due a la climatisation…mais non ,que vas tu chercher la …ce n’est rien ,je te dis ».
la couleur d’une voix a cette faculté d’amener les choses et de les mettre en suspens, le temps d’une communication qui nous parvient au delà de quelques 11351 klm ,
de quelques 11351 tâtonnements,
de quelques 11351 caresses maladroites et inachevées,
de quelques 11351 aveux a peine perceptibles,
de quelques 11351 manquements,
de quelques 11351 frustrations et d’un infini de nuits en latence.
11351 valses exécutées goulûment sous un ciel de pleine lune…les instants intimes de l’âme confondus dans les profondeurs de la voix tournoyaient autour des corps…
Elle baisse le son de sa radio et remercie poliment le personnel pour aller respirer profondément sur le trottoir et faire le plein d’instantanés des quidams heureux de se laisser aller au grès des chemins que dessinaient les rayons du soleil de ce samedi printanier.
Regarder la vie en mode aérien…révéler les infimes détails du quotidien a la manière de l’art moderne, par tache entière de lumière qui ne s’expliqueraient que des siècles plus tard par la voix de suffisants critiques de l’image.
La vie ne trouverait son sens qu’en mode » flash back » et c’est tant mieux pour les voies des regardeuses.
Elle sourit a l’idée des voix regardeuses et le boulevard s’élargit devant ses yeux plissés sous l’effet de la lumière du jour…Malek Haddad disait:
_ »Cocher ,conduis nous sur un rayon de lune ».