-« Enfant encore : ce doit être plusieurs étés après. Avec ma cousine la plus proche, durant le mois de Ramadan, toutes deux en chemise blanche. Parentes, tantes et cousines, toutes levées en chuchotant, pour le second repas qui fera supporter le jeûne du lendemain. Or, nous voulions jeûner nous aussi : par orgueil ! Et voici qu’ensommeillées, titubantes, nous leur faisons vif reproche, déçues de nous voir exclues de cette halte nocturne, parce que jugées trop « petites » ! Les grandes personnes rient, un peu confuses, tout en nous faisant place. Nous sommes alors si heureuses de rester manger le shor avec les adultes, pour tenter de traverser la journée suivante sans manger ni boire. Nous qui avons surgi, tels des fantômes graciles, pour ces dîners d’après minuit, nous leur faisons soudain presque l’effet de perturbatrices… Cette scène de notre irruption, en longues chemises et cheveux dénoués, au milieu du rituel familial, je l’aurai vécue avec cette cousine du même âge, ma complice d’alors. (…)
Extraits du dernier roman d’Assia Djebar
The Sultana
par Ferdinand Victor Léon Roybet, Alger, 1872