Raconter une vie c’est surtout un acte sémantique….Si on accepte toutefois aux mots l’acte de faire la vie…
la scène s’ouvre sur une grande chambre aux rideaux tirés. Il se tenait au milieu ,le torse bombé de ces assurances creuses ..cela fait un moment qu’il parle mais parle.
Il tenait une sorte de monologue stérile.Le bleu disait -il sur un ton surfait,le bleu c’est une ombre.
l’énergie du langage a ceci de magique qui fait qu’une réplique peut illuminer une pièce.
Elle appuie un peu plus son visage contre ses genous pliés et cherche dans sa mémoire le vaste ciel qui se met au diapason de sa réflexion..mais oui cet homme n’a jamais existé, puisqu’il s’agit d’un tas de molécules et de particules..
la, tout juste sur la bordure de sa vie ,elle déroule ces années immatérielles sans épaisseurs particulières et sans profondeur aucune.
Comment a t-elle pu s’ enfoncer dans cette sorte de tonalité très peu nuancée et surtout imprécise.. Un homme tout juste, irrespirable.
Un homme qui n’a eu de cesse de mentir depuis plus d’une dizaine d’années en s’octroyant le rôle du maître dans cette partie de jeux d’échec qui les a réunit a l’aube d’un hiver ,il y a de cela un siècle.
Sa plainte a peine audible s’est pourtant toujours conjuguée a son errance solitaire aux cotes de cet « homme ombre » qui dit tout savoir de la vie ,des êtres et des choses et qui plus est a passé son temps a parler de sa vie,de son être et de ses choses…
A proprement parler il n’ y avait pas de murs derrière lesquels se cacher, mais des cloisons légères derrière lesquelles disparaître tous les jours un peu, pour ne plus l’entendre.
Marcher, encore, marcher longtemps pour ne plus l’entendre.
Mais prenons les choses par le début: à savoir le coeur qui bat tellement fort a chaque rendez-vous, On fait de longues promenades, on cajole les premières esperances et on parle de la vie .
Il ne détachait plus son regard de ses beaux yeux et son admiration se terminait souvent les bras derrière la tête…Rien que de très classique me direz-vous.
Oui, mais ses dix années a elle ne ressemblaient en rien a ses dix ans a lui .Chacun aurait vécut les siennes différemment et pourtant ils se tenaient tout proche: l’un a cote de l’autre .
Si la question d’hier consistait à se demander « comment ferait-on l’un sans l’autre? la question d’aujourd’hui serait certainement » Comment faire pour être l’un loin ,très loin , de l’autre?
Elle desserre ses genoux et libère son âme déchirée, malaxée, malmenée et se jura qu’a partir de ce jour elle ne broiera que du pastel .