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Archives de Catégorie: Litterrature

Le roman volé de la France.

Il y a des écrivains qu’on lit, et d’autres qu’on exhibe. Des écrivains qui inventent des mondes, et ceux qui empruntent des vies. Kamel Daoud est de ceux qu’on exhibe : sur les plateaux, dans les salons, au sommet des bibliothèques républicaines. Il est devenu cette silhouette rassurante pour un pays inquiet, cet écrivain « d’origine » qui parle mieux qu’un indigène, qui critique mieux qu’un autochtone, qui agite le drapeau de la lucidité tout en faisant l’éloge discret de l’ordre établi.
Mais ce rôle a un prix : il faut plaire. Il faut s’arracher à son peuple pour mieux se lover dans l’ombre d’un autre. Il faut voler des voix, parfois, pour se construire une autorité. Et c’est ce que Kamel Daoud a fait avec Saada Arbane. Ce n’est pas un emprunt. C’est une dépossession. Il n’a pas écrit sur elle, il a parlé à sa place. Et cette substitution-là, si fréquente dans l’histoire coloniale, s’invite désormais dans les marges de la littérature.

La plume devient une mainmise. Le roman devient un viol feutré.

Ce vol-là ne se soigne pas avec un prix littéraire. Il n’appelle ni débat, ni nuance. Il ouvre une faille. Celle où la mémoire des autres devient la propriété d’un seul, légitimé par son style, validé par ses fréquentations, blanchi par la langue française elle-même. Dans cette histoire, ce n’est pas seulement une femme qu’on efface : c’est toute une tradition qu’on dévitalise. C’est la littérature francophone qu’on rend muette, anesthésiée par l’éclat d’une imposture.

Et puis il y a le reste. Il y a cette étrange habitude qu’a Daoud de tirer sur les cibles qu’on lui désigne. Les musulmans ? Il les décrit comme des enfants. Les binationaux ? Comme des citoyens à moitié loyaux. Les femmes ? Comme des abstractions à corriger. Les Palestiniens ? Comme des fictions dérangeantes pour la conscience française. Et les Français « de souche » ? Comme les derniers bastions d’une civilisation en péril, qu’il faudrait peut-être sauver du reste du monde.

Ses mots ressemblent à des diagnostics, mais ils soignent peu. Ils servent surtout à justifier. À blanchir. À nettoyer les mains de ceux qui ne veulent pas se salir. Il est devenu une conscience tranquille de la République : un écrivain arabe qui critique les Arabes, un exilé qui condamne les exilés, un intellectuel qui parle à l’oreille du pouvoir en feignant de lui résister.

Mais que reste-t-il, une fois le théâtre refermé ? Une parole brûlée. Une œuvre trouée. Une littérature trahie par l’un de ses enfants. Kamel Daoud ne fait pas du bien à la France. Il fait du bien à une France qui a peur, qui se crispe, qui préfère le roman à la réalité.

Et cela, ce n’est pas écrire. C’est servir.

 
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Publié par le 5 juillet 2025 dans Litterrature

 

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Kamel Daoud ou l’étrange soliloque du converti,

Par un regard venu d’ailleurs, resté lucide.

Il y a quelque chose d’inquiétant, de lassant aussi, à voir chaque semaine Kamel Daoud convoqué sur les plateaux, dans les journaux, sur les scènes de festivals, pour dire son malaise français. Un malaise qu’il croit universel, alors qu’il n’est souvent que le sien.

Selon lui, les Français sont trop mous, les binationaux trop fiers de leur origine, les jeunes générations issues de l’immigration presque traîtres envers leur pays d’accueil. Trop d’Afrique dans les cœurs, pas assez de France dans les tripes.

Étrange paradoxe que celui de cet homme qui se dit “plus Français que les Français”, mais dont l’amour de la République semble passer par le mépris systématique de ses enfants les plus sincères.

Kamel Daoud ne cesse de rappeler qu’il a appris le français à l’université, qu’il est né ailleurs, qu’il a souffert plus que les autres, qu’il mérite plus que les autres. Le mérite, chez lui, devient une frontière. Une arme. Une sorte de naturalisation par le haut, au mépris de ceux qui sont nés en France, ont grandi en France, et n’ont jamais eu besoin de haïr leur culture d’origine pour se sentir français.

Il faut le dire : des milliers de Franco-Algériens, professeurs, soignants, écrivains, artistes, entrepreneurs, œuvrent chaque jour à faire rayonner la France. Discrètement. Authentiquement. Sans injonction à choisir, sans ressentiment colonial recyclé en roman personnel.

Mais ces visages, ces réussites, ces voix apaisées sont invisibilisées par l’ombre bruyante de Daoud. Il est devenu la figure-totem d’un certain fantasme médiatique : celle du “bon immigré” qui cloue au pilori les autres et donne à la France une excuse pour ne pas écouter les voix divergentes.

Ni Amin Maalouf, ni Alain Mabanckou, ni Nina Bouraoui, ni même Alice Zeniter – pour ne citer que ces derniers- n’ont ressenti le besoin d’écraser leur héritage pour appartenir. Ils ont composé. Pensé. Transcendé.

Kamel Daoud, lui, a choisi le combat. Pas celui de la pensée, mais celui de la revanche.

Or la citoyenneté n’est pas une arène où l’on boxe sa propre origine à coups de chroniques hebdomadaires. C’est un exercice patient, quotidien, fait d’écoute, de doutes, de cohabitation.

Le drame, c’est que la France lui tend le micro sans jamais se demander pourquoi crie-t-il si fort. Peut-être parce qu’il lui dit ce qu’elle veut entendre. Peut-être aussi parce qu’elle a oublié d’écouter les autres.
Être français, ce n’est pas faire de la culture un ring.
C’est apprendre à conjuguer. À composer. À exister entre deux mondes sans en détruire un.

Kamel Daoud a peut-être oublié ça.
Nous, non.

 
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Publié par le 5 juillet 2025 dans Litterrature

 

Le Goncourt qui a volé une vie,

Une enfant laissée pour morte, une voix qu’on refuse d’entendre.

À 5 ans, Saada Arbane est égorgée par des terroristes islamistes dans l’Algérie déchirée de la décennie noire. Ils la laissent pour morte, comme un message, un avertissement cruel : une fille de trop, un corps de trop dans ce chaos sanglant.

Mais Saada ne meurt pas.

Elle survit. Recueillie, adoptée par Madame Zahia Mentouri, une ministre Algérienne, elle grandit dans un foyer aimant. Elle apprend à parler, à lire, à comprendre, à résister. Elle refuse que sa vie soit réduite à une cicatrice, à un numéro dans un récit victimaire. Elle s’élève, libre, cultivée, indocile.

Et pourtant, Saada demeure inaudible.

Une Algérienne libre, donc inaudible ?

Elle ne s’est pas enfuie. Elle n’a pas demandé l’asile en France. Elle vit à Oran, en Algérie, loin des projecteurs occidentaux, loin du récit commode des « sauvetages » occidentaux. Saada ne correspond pas aux stéréotypes qui nourrissent certains milieux littéraires français : pas de voile, pas de posture victimaire postcoloniale, un français impeccable, une éducation solide. Elle refuse d’être la victime que l’on voudrait entendre, et surtout, elle ose accuser un écrivain-star.

Dans le théâtre très codifié du postcolonialisme chic, les femmes du sud ne parlent que quand cela arrange. Saada dérange.

Le Goncourt qui a volé une vie

En 2024, un roman décroche le Prix Goncourt. L’histoire ? Une petite fille algérienne égorgée durant la decennie noire, qui survit et se reconstruit. Un récit bouleversant, encensé par la France intellectuelle, porté sur les plateaux télé. Un écrivain « courageux », qui « donne une voix aux oubliées ».

Seulement cette histoire, ce n’est pas la sienne. C’est celle de Saada Arbane, mot pour mot.

Le problème ? Saada n’a jamais donné son accord. Elle n’a jamais été consultée, ni même mentionnée. Sa vie, son trauma, ses mots ont été volés, transformés en fiction rentable, en mythe littéraire. Son sang, devenu best-seller.

Et quand elle parle, c’est le silence. Puis l’intimidation.

Quand la psychiatre trahit,

Saada croyait être en sécurité. Dans le cabinet d’une psychiatre, elle avait trouvé un refuge, un lieu pour déposer ses douleurs. Mais cette psychiatre est aussi l’épouse de l’écrivain primé.

Les confidences, les fragments de souvenirs, les cauchemars, se retrouvent dans un roman, sans avertissement, sans consentement. Une trahison médicale, intime, symbolique.

Puis vient la tentative d’achat du silence. Une proposition d’arrangement. Saada refuse. Elle ne veut pas être effacée deux fois : d’abord par les terroristes, puis par les élites intellectuelles.

Une plainte. Un micro. Et le mur du silence.

Saada decide de déposer plainte. Contre un Goncourt, une psychiatre, un système qui croit pouvoir tout se permettre, surtout face à une femme arabe.

Surprise : un journaliste algérien lui tend le micro, défendant sa vérité. Mais en France ? Silence. Pas de tribune, pas de soutien, aucune émission. Une omerta.

Saada n’existe pas.

Ce qu’on fait pour les autres, ce qu’on ne fait pas pour Saada

Quand Malala Yousafzai, Mahsa Amini, ou Zahra Joya souffrent, les médias se mobilisent, les campagnes de solidarité s’élèvent, les prix pleuvent.

Pour Saada ? Silence radio, invisibilisation totale, campagnes de diffamation. Pourquoi ?

Parce qu’elle vit en Algérie. Parce qu’elle ne correspond pas au récit exotique que la scène littéraire française affectionne. Parce qu’elle accuse un écrivain protégé. Parce qu’elle refuse de se taire.

Cette inégalité révèle un féminisme à géométrie variable, une solidarité à sens unique.

Ce que Saada révèle de nous,

Son histoire n’est pas qu’un drame individuel. C’est un miroir de nos sociétés, de nos médias, de nos élites.

Elle expose un féminisme clivant, une scène littéraire qui protège ses stars au détriment de la vérité. Elle nous force à questionner qui décide quelles histoires méritent d’être racontées, quelles souffrances valent l’indignation.

Le silence autour de Saada est un appel : à briser le déni, à affronter nos contradictions, à rendre justice à celles qu’on veut faire taire.

Ce combat n’est plus seulement le sien. Il est le nôtre.

Et toi, tu trouves normal, cette injustice ?
Pourquoi certaines voix méritent-elles d’être amplifiées, tandis que d’autres sont étouffées ?
La vraie question, c’est qui a le droit de parler, et qui doit se taire ?

Et toi, t’en penses quoi ?

Le Goncourt 2024.
Le Goncourt 2024. Houris, roman de Kamel Daoud.
 
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Publié par le 5 juillet 2025 dans Litterrature

 

Dans l’ombre du poète…


kateb  F
On ne l’entends presque jamais parler de son mari et du pere de son enfant. Zoubeida Chergui ex madame Kateb Yacine, a l’image de toutes les femmes Algerienne, n’a pas droit a la parole tant les autres, tous les autres se sont accaparés illégitimement du poète et de son expression.
Ecoutons la dans l’un de ses rares temoignages sur l’homme de Nedjma.

                                                 

 
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Publié par le 3 août 2016 dans Litterrature

 

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Tout les autres matins…

ParfeteLes mots, encore eux, comme ultime refuge et le souffle d’un écrivain pour reapprendre a se réveiller tous les autres matins.
« Paris est une fête », rédigé entre 1957 et 1960, est un déroulé d’instants tendres et joyeux relatant le passage de l’écrivain Américain Ernest Hemingway dans la capitale française dans les années 1920.
Plusieurs exemplaires du roman ont été déposés entre les fleurs et les bougies sur différents lieux touchés par les attaques, notamment devant l’un des bars visés par les terroristes et devant le Bataclan.
Pendant la minute de silence la semaine derniere de nombreuses personnes tenaient également le livre à la main.

 
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Publié par le 21 novembre 2015 dans A pile et face, Litterrature

 

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A quoi bon raconter!

                                               

« Pourtant c’est mon ami, je savais tout de lui. Je lui disais les vers que je ne voulais pas publier. Il connaissait mon cœur. Il connaissait mon rêve. Lui seul savait l’exacte signification de mes sourires, de la fleur orpheline en haut des barricades, lui seul savait le journal qui n’acceptait pas tous mes papiers. Nous avions fredonné les mêmes chansonnettes; je chantais plus juste que lui, mais lui connaissais mieux les paroles que moi. C’était mon ami, attentif et savant. A quoi bon raconter? L’amitié est un privilège de temps de paix. »
Je t’offrirai une gazelle de Malek Haddad.

East building of the national gallery of art. Washington DC.
Friday,august 2015.

 
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Publié par le 14 août 2015 dans Litterrature

 

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Assia n’est plus.

Comme une dernière prière,
Deux messages reçus aujourd’hui,l’un a 2:30h du matin ,heure Américaine et l’autre a 16:00. Deux messages de deux amies, l’une a Paris , l’autre a Londres, rédigés en langue Française, j’allais dire dans la langue d’Assia Djebar pour dire l’amour, la douleur mais surtout l’abnégation.
Heureusement que la force des mots n’est pas une matière friable et cela permet aux écrivains de transcender le temps et la géographie.
Assia djebar comme Malek Haddad et tant d’autres n’ont pas de coordonnées temporelles et donc leur disparition n’est qu’un énième découpage scénique comme ils savent faire avec grâce.
La magie est celle de transformer la solitude qu’impose l’écriture en des moments de lumière et ça Assia sait y faire puisqu’elle a transformé notre regard apeuré sur l’existence en un récit ethnique triomphant.

A sa manière espiègle, joueuse, brillante en forçant parfois sur le « déhanché » verbal elle aura imposé avec panache, une parole feminine Algerienne et quelle parole.
Assia n’a eu de cesse de déstructurer les lignes rigides du patriarcat pour dresser a la place des ponts, consolider des digues et essaimer les paroles apaisées et apaisantes, les vraies, celles qui remettent les aiguilles de nos cheminements dans le vaste humain.
Ce soir Assia Djebar , nous dit a sa maniere qu’il est impératif d’échapper a la solitude intérieure et nous livre dans un ultime testament, les codes d’une vie hygiéniste.
Ce soir, l’idée de la femme universelle traverse le tout Cherchel jusqu’à mon éloignement Americain et les possibilités de vivre femme et Algérienne apparaissent comme une évidence.
Dors en paix l’Artiste et restons élégants-es- dans notre douleur par amour pour Assia et par respect pour son combat.

Assia Djebar.
Assia Djebar.
 

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les silences pervers …

« Meursault contre- enquête ».
Roman de Kamel Daoud .

« Meursault contre- enquête »,le livre de Kamel Daoud , »Goncourable » a souhait et de ce fait légitimement critiquable sur les 153 pages que Meursaultconstitue le récit de l’enfant de Mostaghanem , ce roman, cousu de bout en bout avec des mots qui pensent, explique que l’on ne naît pas Arabe mais qu’on le devient,l’absurde aidant.
Contrairement a toute logique marketing, l’auteur nous défie d’entrée en déclinant sa narration comme un fantasme, une construction imaginaire, une couleur qui viendrait en deuxième temps pour dire les choses que l’on a tu, pour combler les vides,un caprice littéraire en somme.
L’auteur nous projette dans un tourbillon temporel où passé et présent sont mis a l’épreuve,un incroyable « labourage » a ciel ouvert.

Mais de quoi s’agit -il au juste?
« Meursault contre- enquête » est un livre sur la colère et écrit avec colère.
Une écriture de mec, a coup-de-point crocheté, descendant balancé. les coups pleuvent désespérément contre le « nous collectif  » dans lequel se débat un homme/enfant livré a lui même dans une ville ,elle même livrée aux Roumis,comprendre les colonisateurs, dans la langue plebienne/daridja Algerienne.
153 pages en mode télescopage entre la vie du frère de l’arabe tué dans le livre de Camus et celle de l’auteur ,l’Algerien /post-indépendance,brimé, au mieux bâillonné quand il n’est pas infantilisé par un pouvoir reposant essentiellement sur la légitimité historique a défaut de cette autre fondamentale, la blasphématoire légitimité législative.
Daoud a tressé a longueur de pages un pont entre la vie de l’auteur-le frère de l’arabe- et la sienne de vie en voguant sur une une identité mentale que l’on transcrit a coup de sang et de douleur sur la peau dans l’Algérie de tous les temps et nous lisons:
« Les soûleries fréquentes de Moussa ces derniers temps ,ce parfum qui flottait dans l’air ,ce sourire fier qu’il avait quand il croisait ses amis ,leurs conciliabules trop sérieux,presque comiques et cette façon qu’avait mon frere de jouer avec son couteau et de me montrer ses tatouages:Echedda fi Allah »(« Dieu est mon soutien »). »Marche ou creve »,sur son epaule droite « Tais toi « avec dessiné sur son avant- bras gauche,un cœur brisé.C’est le seul livre ecrit par Moussa.Plus court qu’un dernier soupir,se résumant a trois phrases sur le plus ancien papier du monde,sa propre peau. « 

meursaul1Non concordance des temps,
Le tête a tête avec Meursault ou « mersoul » voire « rassoul » – prophète- n’est décidément pas de tout repos .Le livre se nourrit d’un immense hors champs religieux conforté par une profusion de prophètes . Nous y croisons le prophète Haroun, Moussa-moise- Caïn et Abel, des clergés délurés et des » Ève » en mini jupe se tenant sur la ligne de démarcation qui séparait l’espace terne des arabes de celui plus flamboyant des colons.
Et c’est justement sur cette ligne infime qui sépare le bien du mal, le convenu de l’imprévue, le désir de la répugnance, la cécité de la lucidité que se tient Haroun,le frère de l’arabe faute de tout comprendre.
“Un jour M’ma a voulu que j’aille a la mosquée du quartier,qui sous l’autorité d’un jeune imam,servait plus ou moins de garderie .C’était l’été .M’ma a du me traîner par les cheveux jusque dans la rue ;le soleil était si dur.J’ai réussi a lui échapper me débattant comme un forcené et je l’ai insulté .Puis j’ai couru tout en tenant la grappe de raisin qu’elle m’avait donnée juste avant pour m’amadouer.Dans ma fuite j’ai trébuché ,je suis tombé,et les grains se sont écrasés dans la poussière,J’en ai pleuré,toutes les larmes de mon corps,et j’ai fini par rejoindre la mosquée penaud .Je ne sais pas ce qui m’a pris mais quand l’imam m’a demandé qu’elle était la cause de mon chagrin ,j’ai accusé un gamin de m’avoir battu. C’était, je crois, mon premier mensonge .Mon expérience a moi du fruit volé au paradis.Car a partir de ce moment la,je devins rusé et fourbe,je me mis a grandir. “

L’expansion des corps,
Le roman se décline en 2 tableaux ou espaces scéniques . la ville,le village et accessoirement la mer pour l’extérieur autrement dit le « subit » .
la maison, le bar constitueront,pour leur part ,les voix off ,les intériorités plutôt exiguës, plutôt anguleuses.
L’ espace/bar mal éclairé,embué et cotonneux servait comme une caisse de résonance a une sagesse populaire dans le sens brute et par tas entier.
c’est décidément du « layadjouz  » –l’interdit- que jaillira la lumière.
“Les bars encore ouverts dans ce pays sont des aquariums où nagent des poissons alourdis raclant les fonds. On vient ici quand on veut échapper à son âge, son dieu ou sa femme, je crois, mais dans le désordre. Bon, je pense que tu connais un peu ce genre d’endroit. Sauf qu’on ferme tous les bars du pays depuis peu et qu’on se retrouve tous comme des rats piégés sautant d’un bateau qui coule à un autre. Et quand on aura atteint le dernier bar, il faudra jouer des coudes, on sera nombreux, vieux. Un vrai Jugement dernier que ce moment. Je t’y invite, c’est pour bientôt. Tu sais comment s’appelle ce bar pour les intimes ? Le Titanic. Mais sur l’enseigne est inscrit le nom d’une montagne : Djebel Zendel. Va savoir.”

Extinction des voix,
Meursault contre-enquête est un portrait cruel d’un héros mort né, un héros malgré lui qui aura vécu le temps de 153 pages sur la solitude culturelle,sociale et particulièrement celle de la parole afin de servir d’alibi a d’autres pages écrites , il y a de cela soixante dix ans .
Le frere de l’arabe a l’ombre fuyante a tout faux et c’est ce qui explique en partie ce repli sur soi, ce harcèlement qu’il s’impose avant tout.
Haroun ,un enfant désarment de sincérité confondra le vivre et la vérité .
Il restera a la traîne pour avoir cru a un triste jeu de balle .
Le frère de l’arabe s’épuisera a tenter de découdre les enjeux et les excès auront raison de son manque de poésie.
L’auteur/prophète se fait piéger au final par les multiples contradictions et aucune stratégie de survie ne tiendra devant les silences pervers  mais  tellement confortables a commencer par celui de sa propre mère.
« Aujourd’hui,M’ma est encore vivante mais a quoi bon !Elle ne dit presque rien .Et moi je parle trop,je crois.C’est le grand defaut des meurtries que personne n’a encore puni,ton écrivain en savait quelque chose… »

Meursault contre-enquête est un regard glacial ,une fixité inquiétante ,un panoramique qui nous raconte, pas de la façon dont nous aimons souvent l’image mais l’incroyable est que ça marche puisqu’il s’agit d’un roman qui fera date dans la littérature Algérienne mais pas que,la preuve.
Biographie de l’auteur:
Kamel DAOUD
Né en 1970 à Mostaganem (300 km à l’ouest d’Alger), Kamel Daoud a suivi des études de lettres françaises après un bac en mathématiques. Il est journaliste au Quotidien d’Oran – troisième quotidien national francophone d’Algérie –, où il a longtemps été rédacteur en chef et où il tient depuis douze ans la chronique quotidienne la plus lue d’Algérie. Ses articles sont régulièrement repris par la presse française (Libération, Le Monde, Courrier international…).
Il vit à Oran.Il est l’auteur de plusieurs récits dont certains ont été réunis dans le recueil Le Minotaure 504 (Sabine Wespieser éditeur, 2011) – initialement paru à Alger sous le titre La Préface du nègre (éditions barzakh, 2008) et distingué par le Prix Mohammed Dib du meilleur recueil de nouvelles en 2008. Traduit en allemand et en italien, salué par la critique française, Le Minotaure 504 figurait sur la sélection finale du prix Wepler et sur celle du Goncourt de la nouvelle 2011.
Meursault, contre-enquête, publié en Algérie par les éditions barzakh et en France par Actes Sud, est le premier roman de Kamel Daoud.
Edition Actes Sud.

 
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Publié par le 4 novembre 2014 dans Litterrature

 

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