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Archives de Catégorie: Litterrature

Au carrefour des étymologies…


« Fin novembre 93,les francophones des deux sexes et de diverses professions(journalistes,professeurs,syndicalistes,médecins…) fuirent en désordre leur pays pour la France,le Quebec,un peu comme les Morisques andalous et les juifs de Grenade,après 1492 et par vagues régulières,tout le siècle suivant,s’en étaient allés,un dernier regard tourné vers les rivages espagnoles,pour aboutir-grâce a la langue arabe d’alors -d’abord a Tetouan,a Fes,a Tlemcen et tout le long du rivage maghrébin. Ainsi comme l’arabe avait ensuite disparu dans l’espagne des Rois tres Catholiques- ceux-ci aidés vigoureusement par l’inquisition – est ce que soudain c’était la langue française qui allait disparaître « la-bas »? .
Extrait de « la disparition de la langue française »,Page 271 .
Assia Djebar

Assia Djebar nous aura tour a tour,égaré,secouer, tourner en rond,agacer, émerveiller,étonner jusqu’à nous pousser dans nos ultimes retranchements avant de nous libérer a la page 271 de son roman « la disparition de la langue française ».
Il a fallu retourner au point de départ et me tenir a l’aube de ma vie,en cette année 94, l’année des départs brusques voire brutaux,l’année des malentendus sanglants…Je m’appuie donc sur mes nouvelles rides et ces autres cheveux blancs pour atteindre ce port,jadis,terre d’asile.
Abu Dhabi prend 20 ans plus tard et avec les mots d’Assia ,toute sa valeur symbolique …une méditation salvatrice et presque inespérée. 
« la disparition de la langue française » n’est pas un roman mais plutôt un discours inaugural, un ton confidentiel,une lumière latérale qui se faufile dans les allées d’ombres…les tableaux s’enchaînent avec une fluidité surprenante et l’auteur égrène avec grâce une énergie de couleur et de matière qui scrute,interroge avant de triompher du passé, avec panache  .
Il a fallu toutes ces années pour pouvoir se libérer des lignes rédigées par des barbes traîtresses et ces autres larbins haineux car il faut longtemps se haïr pour préparer la banqueroute des siens…Il faut se haïr sans resserve pour entreprendre cette navigation pathétique et se débarrasser de ses enfants moyennant des alibis fallacieux . 
Les extrémistes excellaient dans l’ordre du mal et cet autre du basculement irréversible.

En quelques 16 lignes et avec une élégance extrême ,Assia Djebar me réhabilite et avec moi tous les autres exilés. 
« la disparition de la langue française » est un roman qui réinvente le désir de se réapproprier une histoire,un pays,une langue et.. la Vie. 
Djebar dans « la disparition de la langue française » écrit sur le contemporain ,dénoue les méprises,ouvre les fenêtres et dépose délicatement ,des sourires sur nos âmes encore meurtries. 
Nous sommes,avec Assia ,des journalistes,professeurs,syndicalistes,médecins qui n’ont pas,contrairement a ce qui s’est dit ,raté le chemin de l’héroïsme mais nous sommes,ceux qui ont refusé l’amour déformé.

 
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Publié par le 20 mai 2014 dans A pile et face, Litterrature

 

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الأسود يليق بك ….Ahlam Mosteghanemi

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Parler des livres de  l’ecrivain Algerienne ,Ahlem Moustaghenmi sans dire qu’elle est la femme écrivain la plus lue dans le monde arabe serait un manquement aux règles élémentaires de la politesse .
Parler de Ahlem Moustaghenmi sans rappeler qu’elle a été classée par le magazine Americain Forbes comme la meilleure écrivain femme en langue Arabe, sans citer son livre « mémoire de la chair » nommé par l’Union des écrivains arabes comme l’un des 100 meilleurs livres en arabe dans le siècle dernier,serait franchement faire preuve de mauvaise foi .
Ahlem remet ça et signe fin 2012 une nouvelle assez particulière « le noir te va si bien. » 
Quelques 331 pages donc pour raconter une histoire d’amour comme il en a toujours existé  mais le tour de force restera celui de réinventer le conte de Cendrillon  avec un prince qui n’est pas si prince que cela et une fille banale en apparence mais tellement princesse ,a y regarder de prés.
Ahlem s’acquittera de la tache avec brio et j se jouera plusieurs fois de nos croyances et supputations hâtives  de lecteurs,pourtant ,avertis. 

Ahlem gratte a la pelle de fer une société très normée en se préservant toutefois de tomber dans le jugement moral et tout y passe :les islamistes,le pouvoir Algerien éradicateur, l’antagonisme  riche/pauvre ,la societe Arabe ,la malice et la couardise Orientale ,la naïveté des femmes Algériennes et L’amour avec un grand A.
L’auteur procède par une construction littéraire classique,des phrases essentiellement descriptives …un bouquet pictural avec une recherche formelle indéniable qui donnera au final une musicalité et une variabilité de la langue dont Ahlem est coutumière mais  nous lui reprochons de puiser  sans modération dans la  métonymie et autres figures de style par pécher de facilité et manquer par la même une recherche plus fournie sur le caractère des personnages.
« le noir te va si bien » sombrera  ainsi et a bien des moments dans le mièvre , dans le décors chargé mais comment  faire autrement quand il s’agit d’orient . D »ailleurs la légende dit que la tulipe si présente dans la nouvelle viendrait de Perse et la fleur très présente au sein des contes de Mille et une nuit …
Nous aurons droit a d’autres  clichés narratifs dont le défilé  de quelques  villes mythique tels que Paris,Vienne  ,Damas ,Beyrouth mais pas celle des années 70,celle des poètes, des écrivains et autres créateurs mais Beyrouth des années 2000 , celle de la luxure,des hommes d’affaires véreux ,du monde artistique glauque et du show off dégoulinant.
« le noir te va si bien » est en quelque sorte une confidence d’une écrivain fatiguée par les sollicitations d’un monde contemporain mensonger …
Ahlem tentera d’inscrire son récit dans un mouvement historique ,réaliste et cherchera a remettre au goût du jour la sincérité ,la simplicité ,bref, l’Alg
érianité selon la définition de l’auteur et cela m’enchante et cela me va.

Index:
La nouvelle  « Le noir te va si bien », publié en novembre 2012 par Hachette-Antoine, a vendu plus de 200,000 exemplaires en deux mois.

Biographie de l’auteur:

Ahlem est née à Tunis pendant la guerre de libération algérienne
Dans les années 70, Ahlem, lycéenne, devient déjà célèbre à 17 ans en Algérie en présentant l’émission quotidienne poétique Hammassat (Chuchotements) à la radio nationale.
Elle rencontre à Alger Georges El Rassi, un journaliste libanais  qu’elle épousera   en 1976 à Paris, où ils s’installent.
Elle poursuivra alors ses études universitaires à la Sorbonne, d’où elle obtient en 1982 son doctorat en sociologie sur le thème de l’image de la femme dans la littérature algérienne, dans une tentative de comprendre, à partir de la littérature, le malaise de la société algérienne dans le rapport d’homme à femme. Ce doctorat se fera sous la direction du fameux orientaliste Jacques Berque, qui le préface.
Pendant les quinze années qu’elle passera à Paris, Ahlem contribuera à divers magazines, et, du temps qu’elle volera de sa vie de mère élevant trois garçons en bas âge, se mettra durant quatre années à écrire des fragments d’un texte qui s’avérera un roman. Ahlem dira au sujet du passage de la poésie au roman : « Quand on perd un amour on écrit un poème, quand on perd une patrie on écrit un roman ».
L’Algérie, en effet, n’a jamais quitté Ahlem, qui dira aussi : « Il y a des pays qu’on habite et d’autres qui nous habitent ».

Œuvres

  • Ala Marfa Al Ayam (Au havre des jours), 1973.
  • Kitaba Fi Lahdat Ouray (Écriture dans un moment de nudité), 1976.
  • Algérie, femmes et écriture, préface de Jacques Berque, 1985, réédité chez Harmattan en 2000.
  • Zakirat El Jassad (Mémoires de la chair), publié par Dar Al Adab en 1993, Prix Naguib Mahfouz et Prix Nour de la meilleure œuvre féminine en langue arabe, traduit chez Albin Michel en 2002.
  • Fawda El Hawas(Le Chaos des sens), publié chez Dar Al Abad en 1997, traduit chez Albin Michel, 2006.
  • Aber Sarir (Passager d’un lit), publié chez Dar Al Adab en 2003.
  • Nessyan.com (L’Art d’oublier), publié chez Dar Al Adab en 2009.
  • El aswad yalikou biki (Le Noir te va si bien), Hachette-Antoine2012.
 
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Publié par le 10 février 2014 dans Litterrature

 

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La beauté ne préserve pas de l’effroyable…

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  La beauté ne préserve pas de l’effroyable…

Nous allons revenir plusieurs siècles en arrière, changer de genre, pas seulement pour ceux qui sont des hommes mais les femmes sont également concernées et quand il s’agit de parler de Femme Anouar Benmalek l’écrivain Algérien ne nous épargne rien dans son grand “O Maria”. 480 pages
Date de parution: 27/08/2008
Editeur d’origine: Fayard
Langue: Français

“The roman” sans conteste était sujet de débat,cette semaine ,au sein du club de lecture des Algériennes de Washington.
Une rencontre ,au delà de l’emblématique car il s’agit de faire redémarrer une mémoire collective , un voyage périlleux dans les dédales de la féminité conjuguée a l’Algerianite .
Une rencontre très violente avec soi pour commencer et un retour fatalement des plus douloureux sur les années noires de l’Algérie des années 90 .

« Ma mère était cruelle et je l’aimais comme on aime un ange . Elle de son cote ,m’aimait comme on aime un bâtard… »

D’entrée et des les premières lignes du prologue l’auteur s’attaque a l’origine,a l’intrinsèque au fondement de la création et rejette en vrac le sociétal,les us et les conventions.
Le convenu,le mot est lâché et rien ne sera comme avant une fois que vous aurez fermé la 480 énième page de ce livre/colère.
Autrement dit, le roman est un coup de poing que l’on reçoit en pleine figure puisqu’il est question de tout bousculer et de renvoyer dos a dos le christianisme ,l’islam,les morisques,les espagnoles,les femmes ,les hommes,les amoureux,les haineux,les esclaves,les maîtres,la mort ,la vie,la pauvreté,la richesse ,le parental,le filial ,le beau,le laid …
Bref,nous parlons d’un incessant pas en avant et d’un deuxième en arrière.
L’auteur use et abuse de ses propres doutes de ses questionnement , de ses thèses,de ses anti-thèse et nous entraine dans une fatale perdition de l’essentiel: La liberté.
Maria/Aicha,cette espèce de femme/enfant, vierge/catin,humain/fantome,belle jusqu’au saisissement qui se fait capturer par des commerçants d’esclaves et depuis la vie avec un grand « V « s’arrête pour elle car il n’y a pas plus extrême que de perdre sa liberté au profit du pouvoir aveugle de l’humain et c’est tellement retords et c’est tellement violent.
L’auteur fera un vrai choix de la surexposition de l’image et racontera très froidement a coup de zoom, de gros plans et de plans serrés la cruauté humaine .
Il se débattra de bout en bout et procédera a ce que nous appelons communément du rentre dedans ce qui fera dire a certaines lectrices: » j’ai lâché le livre au bout de la 25e page…c’est irrespirable ,c’est trop violent. »
Benmalek a longueur de page déconstruit déboulonne,dissèque,malaxe,remodèle le corps féminin et se fiche de notre horreur . Sa lucidité face a l’histoire et ses ratages est palpable jusqu’au plus profonds plis de notre peau de peau…
Un mea culpa déroutant et sanglant qui vient s’imbriquer sur la période de l’inquisition espagnole dont nous ignorons les détails…les lectrices etaient unanimes a ce propos car elle diront que le roman est avant tout un support historique indéniable et tellement pertinent concernant l’inquisition en Andalousie en 1600 .
 » je veux me documenter sur cette période importante de notre identité car l’auteur m’a ouvert les yeux sur une période sciemment oubliée par les historiens Européens et pas suffisamment traités par ces autres Arabes.. » Ajoutera une lectrice.
Une morphologie discursive donc qu’est ce roman/témoignage ,très fouillé qui se décline sous forme d’une mosaïque construite poings fermés et front serré .
Certaines rappellerons pour cela la formation de mathématicien de l’auteur ,féru de détails et épris de logique et cela se sent dans chaque mot savamment choisis et dans chaque phrase patiemment articulée sur fond de respiration/confidence et de mise a nu implacable .
Une des lectrice comparait le roman a un tiroir comprenant d’autres tiroirs secrets et multiplies a l’infini. Nous passons ainsi d’un thème a un autre et d’une découverte a un émerveillement avec une fluidité inouïe.

« Je m’en vais appeler au secours…le Prophète…Jésus…n’importe qui… »

Benmalek s’attaque a l’intouchable et démontre dans ces 480 pages que l’on ne peut pas construire une identité sur le religieux…Que cela est anxiogène ,destructeur et réduit l’homme a l’état de brute…La religion a cessé d’être source de sérénité a partir du moment ou elle a établi des hiérarchies dans la masse humaine et a décrété par la même que telle prière est la référence suprême,exclusive ,unique et tout le reste est blasphème.
A ce stade du débat l’Algérie des années 90 fit une entrée tonitruante et la charge mémorielle se libère assez violemment pour finir par debouler sur la folie.
le pèlerinage était plus que troublant et faisait particulièrement mal,tres mal.

O Maria est un recueil sur l’amour absolu tellement précaire ,une confidence des plus sinistre sur l’enfermement des cœurs et des têtes que l’auteur transcendera a coup de construction cosmique et nous nous soumettons docilement a une sorte de héros/fantôme qui nous parlera longuement sur l’injustice magistrale dont seule la vie est parfois capable et coupable.
O Maria est un roman qui ne fait pas de cadeau.
O Maria est un roman qui avance par la force transgressif et cela fait beaucoup de bien de donner un bon coup de pied dans le politiquement correct.

PS 1:
Ce serait prétentieux de dire que nous avons débattu de tout,lors de notre rencontre, et puiser tous les thèmes traités dans le roman mais cela nous a permis au moins de faire une lecture plurielle d’un récit qui nous concerne et nous permet d’avancer.

PS2:
Bravo a ces Dames qui ont joué le jeu et ont relevé le challenge notamment en oubliant le régime et les calories pour quelques minutes et abuser copieusement d’une tomina au miel made in chez nous.

PS 3:
la prochaine rencontre se déroulera autour du livre de Assia Djebbar :La disparition de la langue française. Avis aux amatrices.Cheers.

 
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Publié par le 4 février 2014 dans A pile et face, Litterrature

 

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Senac l’Algerien…


Il l’avait lui-même écrit pourtant , avec une étrange prémonition :
« Je mourrai assassiné comme Lorca, et ils feront croire à une affaire de moeurs. »
Yahia El Ouahrani , poète Algérien d’expression française (1926-1973) né en 1926, à Béni-Saf, près d’Oran, d’une mère célibataire d’origine espagnole.
 Les critiques diront que cette naissance bâtarde marquera son œuvre et sa vie. 
Il est d’abord instituteur, puis il se rapproche du monde culturel algérien dont il partagera les interrogations et les luttes. 
Cet algérien blessé,  jeté en pâture aux oubliettes par l’Algérie indépendante n’est autre que le poète Jean Senac. 
Sénac n’aura pas profité de la « baraka » de l’Algérie ,le pays qu’il a tant aimé puisqu’il sera assassiné au 2, rue Élisée .
Au sous-sol de son taudis ,  Sénac gisait, les bras en croix. Le poète ne pouvait  plus voir les étoiles : ses yeux s’étaient fermés. Son corps était froid. Il avait cinq entailles à la poitrine.

Retour sur un destin pas comme les autres:
Il fonde l’Union des écrivains algériens dont il est le secrétaire général ; crée la « Galerie 54 » qui abritera la première exposition de peinture de l’Algérie indépendante, crée egalement  
 la revue « Novembre » , devient membre du comité international pour la reconstruction de la Bibliothèque nationale d’Algérie dévastée par l’OAS.
Une rencontre décisive en 1963  avec Che Guevara et Senac écrira le célèbre vers, souvent critiqué,
« Tu es belle comme un comité de gestion » en souvenir de leur visite commune d’un débit de boissons,  proche de sa maison .
Pour les « Fêtes du 1er novembre », il prépare et préface anonymement une exposition  autour du noyau des peintres qui sont devenus ses proches et opère un rassemblement plus large de 18 artistes 
 Le poete bouillonne et anime  a la radio algérienne les émissions: Le poète dans la cité (1964-1965) puis Poésie sur tous les fronts(1967-1971) tandis que Gallimard publie Avant-Corps en 1968.  
Il fait de nombreuses conférences sur la nouvelle poésie algérienne de langue (« graphie », préfère-t-il dire) française, organise des récitals et publie plusieurs anthologies mais n’en continue pas moins d’accompagner de ses textes les expositions de ses amis peintres, inventant notamment à propos de Benanteur l’expression  « Peinture du signe »  qui s’imposera pour désigner l’un des courants les plus originaux de la peinture Algerienne contemporaine.
 
La descente aux enfers:
              « Je dis que je suis algérien et ils me rient tous au nez. O dérision ! »
Après le 19 juin 1965, date du coup d’État de Houari Boumedienne, commence la désillusion pour Jean Sénac. Bien sûr, le poète a chanté la Révolution. Il a cru au socialisme à visage humain  mais 
les émissions poétiques de Sénac sont interdites en janvier 1972.
Le jugeant menacé, certains de ses amis le pressent de quitter Alger.
Ce qui est clair, c’est que non seulement  Sénac n’était plus utile au nouveau régime dirigé par Boumediene,  mais qu’il était devenu un élément perturbateur et trop ostensiblement critique vis-à-vis des nouvelles orientations prises par le pouvoir en place.  
Ce Pied-noir,  ce Français non musulman, ostensiblement homosexuel, ne peut  continuer a  dénoncer, et avec  autant de  violence, les dérives totalitaires de l’Algérie de l’époque . 
 Le journal El Moudjahid , l’organe central du pouvoir en place ne signale que par quelques lignes la disparition brutale du « poète qui signait d’un soleil » dans la nuit du 29 au 30 août 1973.
On arrêtera cependant un petit délinquant, qui avouera être l’auteur du crime pour un vol qui aurait mal tourné. Il semble que ce coupable providentiel aurait été discrètement remis en liberté quelques temps plus tard.
Le poème de Senac dira longtemps après   la souffrance de cet Algerien écorché vif qui a aimé l’Algerie comme rare l’ont fait les humains.
 «Jeunes gens ne demandez pas d’autographe au poète.
Il y a si longtemps que je n’écris plus au stylo mais à la bouche !
Je ne sais plus signer que d’un baiser avide.
Les mots dans mes doigts

Saignent (…)»

Index:
 Conformément au testament de Jean Sénac les archives de son œuvre se trouvant à Alger ont été remises à la Bibliothèque nationale d’Alger  Une autre partie de ses archives est déposée aux Archives de la Ville de Marseille. 

Ouvrages:
1. Le Soleil sous les armes. Éléments d’une poésie de la résistance algérienne, éd. Subervie, Rodez, 1957 . 
2. Pour une terre possible, poèmes et autres textes inédits, éd. Marsa, Paris, 1999 . 
3. Pour Jean Sénac, ouvrage collectif, éd. Rubicube, Alger, septembre 2004 .  

 
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Publié par le 25 septembre 2012 dans Litterrature

 

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Nulle part dans la maison de mon père…

-« toute seule, en le précédant. Il ne me prend pas la main, comme le matin, ou plutôt comme les deux premières années, quand j’étais plus petite. Je marche les yeux baissés ; nous passons devant la mairie, le long du kiosque à musique. Il n’y a que des hommes dans la rue. Les pères français, non plus, ne donnent pas la main à leurs fillettes, mais celles-ci au moins n’ont pas déjà honte de leurs jupes plissées qui leur arrivent aux genoux. Moi, si. Les regards des hommes arabes, sur l’autre trottoir, me visent seule. Pour les oublier, je me répète la sourate du jour afin de la débiter à ma mère, en rentrant. Elle en sera fière. Dans une semaine, je lui montrerai ma planchette ornée de mes dessins, dont j’aurai clos le texte appris. Elle invitera la femme du caïd et ses trois filles plus âgées que moi, qui viendront, toutes voilées, et se risqueront à pousser des youyous pour honorer mon savoir. » (…) Assia Djebar

Teachers and Algerian children at Blida, c1856

 

 
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Publié par le 9 août 2012 dans Litterrature

 

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Nulle part dans la maison de mon père…

 

-« Enfant encore : ce doit être plusieurs étés après. Avec ma cousine la plus proche, durant le mois de Ramadan, toutes deux en chemise blanche. Parentes, tantes et cousines, toutes levées en chuchotant, pour le second repas qui fera supporter le jeûne du lendemain. Or, nous voulions jeûner nous aussi : par orgueil ! Et voici qu’ensommeillées, titubantes, nous leur faisons vif reproche, déçues de nous voir exclues de cette halte nocturne, parce que jugées trop « petites » ! Les grandes personnes rient, un peu confuses, tout en nous faisant place. Nous sommes alors si heureuses de rester manger le shor avec les adultes, pour tenter de traverser la journée suivante sans manger ni boire. Nous qui avons surgi, tels des fantômes graciles, pour ces dîners d’après minuit, nous leur faisons soudain presque l’effet de perturbatrices… Cette scène de notre irruption, en longues chemises et cheveux dénoués, au milieu du rituel familial, je l’aurai vécue avec cette cousine du même âge, ma complice d’alors. (…)

Nulle part dans la maison de mon père 
Extraits du dernier roman d’Assia Djebar


 The Sultana
par Ferdinand Victor Léon Roybet, Alger, 1872

 
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Publié par le 9 août 2012 dans Litterrature

 

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Sous le jasmin, la nuit par Maïssa Bey.

« Il marche. Tout le poids du soleil sur son dos. Le soleil a un sexe chez nous, il est féminin. La nuit aussi. Autour de lui, les hommes vont et viennent tranquillement bardés de certitudes séculaires. Pénétrés de leur force, de leur vérité. Puissance d’homme. Jamais remise en cause. Leurres. Il marche. On le reconnaît. On le salue. Il est partout chez lui. Personne ne peut se mettre en travers. Elle seule »
Nous sommes en Algérie, chez Maïssa Bey. Entre rêve et quotidien, elle nous promène dans son pays qui se débat sans fin dans ses contradictions – celles qui entravent les femmes, celles qui font que dans une société musulmane, le joug masculin ressemble à s’y méprendre à celui de Dieu.
Les nouvelles de ce recueil ont toutes pour héroïne une femme qui se bat pour son identité, sa vie, sa liberté… même si celle-ci ne se rencontre parfois que dans la mort. Telle Salomé, chacune d’entre elles se dévoile dans son portrait tracé avec amour et tendresse par Maïssa Bey, pour devenir Femme – chacune d’entre nous ? – dans tout son éclat…
(date de publication : 02/03/2006)

Extraits d’interview.
Maïssa Bey : la parole
conquise (*)
Propos recueillis
par Abdelmajid Kaouah

Abdelmajid KAOUAH :
Maissa Bey, vous faites partie de ces nouveaux
écrivains algériens qui se sont affirmés dans
les années 90, au coeur d’une décennie
tragique. Dans ces conditions, la frontière
entre l’acte littéraire créatif et le témoignage
sociologique n’était-elle pas ténue ?
Maïssa BEY :
En prenant, dans mes deux premiers livres, le
risque d’écrire sur la réalité de ce que nous
vivions dans ces années-là et non pas
simplement de décrire la réalité, je savais que
la réception de mes textes pouvait donner lieu
à des interprétations diverses sur ce qui me
poussait à écrire. Et effectivement, certains n’y
ont vu que le désir de témoigner, une sorte de
devoir de mémoire que je me serais assigné.
Cet ancrage dans le quotidien, dans ce qu’il
avait de terrible et d’insupportable pour nous,
je l’ai voulu, parce qu’il m’était impossible de
faire autrement. Je n’avais pas d’autre moyen
d’affronter cette réalité, et si je l’ai fait par le
biais de la fiction – puisque mes personnages
n’étaient pas « réels », au sens que l’on accorde
généralement à ce mot – c’est parce que,
justement, je ne me sentais pas en mesure de
faire un témoignage sociologique, et encore
moins d’analyser avec le détachement et
l’objectivité nécessaires à ce type d’écrit, la
situation à laquelle nous étions confrontés.Abdelmajid KAOUAH :

Dans Cette fille-là3 et plus encore dans votre
dernier recueil de nouvelles, Sous le jasmin la
nuit4, vos héroïnes sont des femmes en quête
d’identité et de liberté. Peut-on dire que Maïssa
Bey est avant tout une écrivaine féministe ?
Maïssa BEY :
J’ai parlé d’engagement plus haut. Si dire ce
qui est, donner aux femmes la possibilité de
se reconnaître dans les personnages que je
crée, si se poser des questions et mettre des
mots sur leur désir d’être, c’est être féministe,
alors oui, je suis féministe. Je peux
simplement affirmer que mon écriture est née
du désir de redevenir sujet, de remettre en
cause, frontalement, toutes les visions d’un
monde fait par et pour les hommes, de
découvrir et éclairer autrement ce que l’on
croyait connaître. J’ai envie de dire les exils
quotidiens, insidieux, destructeurs vécus par
les femmes. Je veux les sortir des réserves
dans lesquelles l’imaginaire masculin en mal
d’exotisme ou de nostalgie les a parquées, des
harems, des gynécées et autres lieux
domestiques pleins de mystères. Lieux
féminins longuement décrits par les écrivains :
les patios, centres des maisons repliées sur
elles-mêmes, et les hammams. Recréant peutêtre
à leur insu le ventre maternel humide,
obscur, chaud et protecteur. Parfois les
terrasses ou quelque balcon pour mettre en
jeu le regard de l’autre…
Abdelmajid KAOUAH :
Dans cette optique, aussi étincelantes qu’elles
furent, les oeuvres signées par des Algériennes
sont restées longtemps rares. Kateb Yacine
disait qu’une parole de femme valait son
pesant de poudre… Aujourd’hui le champ
de l’écriture féminine a pris de l’ampleur.
Quel regard portez-vous sur lui ?
Maïssa BEY :Parler d’écriture féminine peut
aller dans le sens d’une approche
traditionnelle et souvent contestée par les
femmes elles-mêmes, qui inscrit la littérature
féminine dans un espace réduit, différent et
ayant ses propres caractéristiques. Et donc,
dans cette perspective, dans le sens d’une
exclusion.
Ce choix est délibéré. Il existe une écriture
féminine, dont on parle si peu ou parfois du
bout des lèvres, et elle peine à se frayer un
chemin à travers les mots des hommes.
Ainsi, longtemps les femmes ont été confinées
dans la pratique culturelle de l’oralité.
Expression « du dedans » par opposition à
l’écriture qui est « du dehors », puisque
publiée, publique. L’imprégnation et la
mémorisation de la tradition orale, et donc la
transmission des valeurs féminines
archétypales, s’opéraient essentiellement par
les récits de la mère, de la grand-mère et des
proches parentes. De manière à reproduire,
sans les trahir, les modèles culturels d’une
civilisation qu’il importe avant tout de
préserver et de ne pas remettre en cause.
Chaîne reconnue, encensée, des conteuses
qui, dans l’ombre des patios, dans la
complicité de la nuit et des yeux qui se
ferment, racontent des histoires d’un autre
temps. Mais conter, c’est dire la parole des
autres, c’est s’effacer derrière les mots des
autres. C’est seulement cela. Avec la prise de
parole, ou ce qu’Hélène Cixous nomme
« la venue à l’écriture », une autre femme naît
qui refuse les représentations que d’autres ont
ou ont données d’elle. Et qui l’ont aliénée
depuis des millénaires. Ainsi, trop longtemps
porteuses de la mémoire et de la parole des
autres, les femmes entrées en écriture osent
enfin se dire, transgressant délibérément
l’ordre établi qui voudrait que leurs voix ne
soient que murmures dans le silence de
maisons fermées. Elles posent sur le monde
un autre regard, un regard différent, à la fois
lucide et passionné, lourd des silences subis,
parfois choisis, et des violences traversées. La
parole de femme est souvent une parole
arrachée aux autres, conquise, mais en même
temps arrachée de soi, car elle implique une
mise à nu, un dévoilement, même si, par les
détours de la fiction, le « je » de l’être avance
masqué. Peu importe qu’elle soit faite de
balbutiements parfois maladroits, de cris à
peine audibles ou teintée de cette raucité qui
étreint la voix après de trop longs silences,
elle est là, elle existe, même si beaucoup ne la
perçoivent que dans une perspective de
confrontation. Car, pour bien des hommes
aujourd’hui la littérature féminine ne
s’exprime pas en termes d’affirmation ou de
création mais de réponse et de ressentiment.
Abdelmajid KAOUAH :
Pendant des décennies, le recours à la langue
française fut controversé. Les écrivains
algériens eux-mêmes furent partagés : Malek
Haddad se sentait en exil dans la langue
française tandis que Kateb Yacine considérait
qu’elle était un butin de guerre. Comment,
aujourd’hui, vivez-vous cette problématique ?
Pensez-vous qu’elle soit encore de saison ?
Maïssa BEY :
Déjà, le terme « problématique » me semble
étranger. Je ne comprends pas l’acharnement
actuel de certains zélateurs qui voudraient
effacer tout un pan de notre histoire. Je n’ai
pas de problème avec la langue française.
Parce qu’elle fait partie de mon histoire
personnelle. Je suis née sur un territoire qui,
au moment de ma naissance et pendant mon
enfance, était considéré comme français. J’ai
donc appris tout naturellement le français,
encouragée par mon père, instituteur, qui a
été l’un des premiers Algériens à s’engager
pendant la guerre d’indépendance. Il a
disparu, tué par ceux-là mêmes dont il
enseignait la langue. C’est lui qui m’a appris à
lire, à écrire en français. Et puis, plus tard, j’ai
découvert la littérature française. Et je pourrais
donc dire, comme Boudjedra, que « je n’ai pas
choisi le français, c’est lui qui m’a choisi ». Je
ne me sens pas concernée par toutes les
polémiques sur la langue, dans la mesure où
ce qui est important pour moi aujourd’hui
c’est de dire ce que j’ai envie de dire. Et tout
le reste n’est que… vaines rodomontades.

Abdelmajid KAOUAH :
L’errance, l’exil, l’ailleurs et l’ambiguïté
culturelle ont été des thèmes incontournables
de la littérature maghrébine. À la différence de
certains de ses prédécesseurs, la nouvelle
génération d’écrivains maghrébins dont vous
faites partie ne semble pas cultiver le
déchirement ou la mauvaise conscience.
Est-ce l’effet d’une mémoire enfin apaisée entre
les deux rives de la Méditerranée ?
Maïssa BEY :
Je pense sincèrement que pour que l’écriture
soit, il ne faut pas de préméditation. Je ne me
situe pas dans une mouvance, un courant,
une génération. J’écris à partir de ce qui me
touche, de ce qui me concerne, de ce
qui me pose question et provoque en moi un
désir d’aller au-delà. L’écriture n’est ni
ressassement des frustrations, ni revendication
d’une mémoire. S’interroger sur son identité,
sur son histoire, sur sa terre natale, sur son
rapport à l’Autre et à l’ailleurs est légitime.
C’est aussi et surtout une démarche
universelle. Une quête sans fin. Tant mieux ou
tant pis pour ceux qui pensent trouver des
réponses. Pour ma part, je me défie des
certitudes. Je préfère tout simplement penser
la littérature comme un point de convergence
où se retrouveraient et se reconnaîtraient tous
ceux qui tentent de rejoindre l’humain en
l’homme.
Propos recueillis par
Abdelmajid KAOUAH.

PS: Brillante interview menée par mon ex-collegue Abdelmajid,, poète lui même et homme au grand coeur.

 
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Publié par le 18 juin 2012 dans Litterrature

 

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Tentez-vous d’exister?

 

Chacun sent qu’il a peu de chance d’exister s’il ne procède en ce sens à quelque tentative plus ou moins décisive. Mais l’usuelle difficulté de s’y résoudre, jointe à toutes les pesanteurs qui nous rendent si volontiers immobiles, nous enseignent invariablement que rester au bord du temps est la plus sûre façon de le voir partir sans nous. Il est vrai que celui qui tente ne risque rien, tant qu’il échoue. Certains s’obstineront dans leur désir d’existence, mais ils sous estiment les difficultés. Car qui sait que tenter pour exister ? Et ou opérer la tentative d’existence ? Et qu’est-ce que tenter ? Suffit-il de se laisser tenter ? Suffit-il d’échouer une fois ? Voir une bonne fois pour toutes ? A moins qu’il ne se trouve embarqué malgré lui dans quelque transport qu’il aurait oublié de rater, et qu’il se voit contraint d’ouvrir grand ses poumons…

Jean-Paul Galibert

Exister au dela des malentendus…
je voulais partager cette reflexion de Jean Paul avec mes amis-es-.

 
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Publié par le 18 juin 2012 dans Litterrature

 

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