
Une mise en scène des plus ordinaire, une ville, un café et les clients de 10h du matin
détendus et a majorité féminine .



Elle ne savait pas grand chose de lui si ce n’est qu’il a fait un stop en Europe avant de débarquer,il y a de cela presque une année, dans « l’open space » de la firme internationale ou elle passait quelques 10h/jour .
Elle ne savait rien de lui mais devinait ses goûts,ses coups de cœur et surtout ses faiblesses…Il faut croire qu’il laissait facilement montrer son trouble depuis un petit moment…Une idée d’anticiper le pressait chaque matin jusqu’à a son « desk »pour balbutier confusément et presque a regret « un bonjour » dont il s’étonnait le premier et cela se voyait a sa manière de battre en retraite pour finir a reculons avant de s’enfermer pour le reste de la journée dans son bureau.
Une construction dramatique se mettait donc en place autour d’une femme d’un chic absolument fatal et un quinquagénaire d’apparence assez retenue presque sévère…
pas très grand ni vraiment mince avec ce je ne sais quoi de lumineux dans les yeux.
Il ne l’intéressait pas!
Il ne l’intéressait pas mais elle choisissait,pourtant ,chaque matin avec minutie ses robes,jupes,vestes.pantalons,dentelles,pashminas,chaussures,parfum,bijoux, le tombé d’une mèche,la moue faussement désinvolte,la lèvre que l’on mord pour feindre une hésitation jusqu’au regard faussement innocent ,jusqu’au rire millimétré a la sonorité étonnamment fuyante..
Comment fait-elle?.
habiller les visages ,faire parler les corps ,elle savait y faire et mieux que quiconque non par méchanceté mais par ennui de la chose humaine.
Ça joue a ces bulles de savonnettes sur lesquelles miroitaient tous les arcs en ciel de ce monde réunis..Ça joue ,le temps d’y croire…le temps d’esquisser une musique délicieusement enjôleuse pour ne pas dire carrément contre nature.
Que fera t-elle de lui ?
La distribution des rôles est ainsi faite,nous partons toujours d’une réalité familière avec des notes d’intelligence et de féerie …le panorama repose essentiellement sur un mélange d’emprunt fictionnel et d’enthousiasme… il suffirait de l’ombre d’un sourire ou d’un regard deroulant des errances interdites et le voila comme un enfant sautant aux éclats sur la trampoline de la mise en jeu.
Mais a quoi joue-elle?.
La possession s’annonçait joyeuse ,insouciante,contemporaine et obéissait pour ainsi dire a une plasticité de l’écriture avant tout.
Elle prend la pause ,mis son doigt sur ses levres et gratifia le lecteur d’un
généreux :
« chuuut mais chuuuut »
Cela fait 36 ans,jour pour jour,que l’artiste a fait sa révérence.
De mémoire de lectrice ,Jamais un écrivain Algérien n’aura autant sublimé le verbe…Malek Haddad,puisque c’est de lui dont il s’agit ,déroulait avec une aisance déroutante les variations mémorielles…Il aura tenu en suspens nos déserts et nos orphelinats pour nous conter son Algérie,un pays en prose,un pays de gazelle.
J’avais 15 ans,l’age de tous les émerveillements…J’avais 15 ans donc et pour seule spiritualité le récit d’un homme qui voguait sur les rayons de lune.
Malek ,le sermon muet ,m’apprendra la parole secrète des âmes libres. Malek m’apprendra a parler de cette voix regardeuse et particulièrement pudique ,a l’heure des premiers filets de lumière tremblante du matin.
Et c’est au nom de cette même pudeur que j’en arrive ,presque, a me féliciter aujourd’hui du départ de l’homme aux palpitations débordantes avant les saisons funestes aux consonances du FIS et du FLN.
Malek, si tes premiers pèlerinages se sont cruellement heurtés aux infractions irréparables de l’ignorance , il s’agit en ce 2 juin 2014 de répondre au désir des poètes de ce monde et d’égrener a l’unisson la gratitude de t’avoir connu .

Parler des livres de l’ecrivain Algerienne ,Ahlem Moustaghenmi sans dire qu’elle est la femme écrivain la plus lue dans le monde arabe serait un manquement aux règles élémentaires de la politesse .
Parler de Ahlem Moustaghenmi sans rappeler qu’elle a été classée par le magazine Americain Forbes comme la meilleure écrivain femme en langue Arabe, sans citer son livre « mémoire de la chair » nommé par l’Union des écrivains arabes comme l’un des 100 meilleurs livres en arabe dans le siècle dernier,serait franchement faire preuve de mauvaise foi .
Ahlem remet ça et signe fin 2012 une nouvelle assez particulière « le noir te va si bien. »
Quelques 331 pages donc pour raconter une histoire d’amour comme il en a toujours existé mais le tour de force restera celui de réinventer le conte de Cendrillon avec un prince qui n’est pas si prince que cela et une fille banale en apparence mais tellement princesse ,a y regarder de prés.
Ahlem s’acquittera de la tache avec brio et j se jouera plusieurs fois de nos croyances et supputations hâtives de lecteurs,pourtant ,avertis.
Ahlem gratte a la pelle de fer une société très normée en se préservant toutefois de tomber dans le jugement moral et tout y passe :les islamistes,le pouvoir Algerien éradicateur, l’antagonisme riche/pauvre ,la societe Arabe ,la malice et la couardise Orientale ,la naïveté des femmes Algériennes et L’amour avec un grand A.
L’auteur procède par une construction littéraire classique,des phrases essentiellement descriptives …un bouquet pictural avec une recherche formelle indéniable qui donnera au final une musicalité et une variabilité de la langue dont Ahlem est coutumière mais nous lui reprochons de puiser sans modération dans la métonymie et autres figures de style par pécher de facilité et manquer par la même une recherche plus fournie sur le caractère des personnages.
« le noir te va si bien » sombrera ainsi et a bien des moments dans le mièvre , dans le décors chargé mais comment faire autrement quand il s’agit d’orient . D »ailleurs la légende dit que la tulipe si présente dans la nouvelle viendrait de Perse et la fleur très présente au sein des contes de Mille et une nuit …
Nous aurons droit a d’autres clichés narratifs dont le défilé de quelques villes mythique tels que Paris,Vienne ,Damas ,Beyrouth mais pas celle des années 70,celle des poètes, des écrivains et autres créateurs mais Beyrouth des années 2000 , celle de la luxure,des hommes d’affaires véreux ,du monde artistique glauque et du show off dégoulinant.
« le noir te va si bien » est en quelque sorte une confidence d’une écrivain fatiguée par les sollicitations d’un monde contemporain mensonger …
Ahlem tentera d’inscrire son récit dans un mouvement historique ,réaliste et cherchera a remettre au goût du jour la sincérité ,la simplicité ,bref, l’Algérianité selon la définition de l’auteur et cela m’enchante et cela me va.
Index:
La nouvelle « Le noir te va si bien », publié en novembre 2012 par Hachette-Antoine, a vendu plus de 200,000 exemplaires en deux mois.
Biographie de l’auteur:
Ahlem est née à Tunis pendant la guerre de libération algérienne
Dans les années 70, Ahlem, lycéenne, devient déjà célèbre à 17 ans en Algérie en présentant l’émission quotidienne poétique Hammassat (Chuchotements) à la radio nationale.
Elle rencontre à Alger Georges El Rassi, un journaliste libanais qu’elle épousera en 1976 à Paris, où ils s’installent.
Elle poursuivra alors ses études universitaires à la Sorbonne, d’où elle obtient en 1982 son doctorat en sociologie sur le thème de l’image de la femme dans la littérature algérienne, dans une tentative de comprendre, à partir de la littérature, le malaise de la société algérienne dans le rapport d’homme à femme. Ce doctorat se fera sous la direction du fameux orientaliste Jacques Berque, qui le préface.
Pendant les quinze années qu’elle passera à Paris, Ahlem contribuera à divers magazines, et, du temps qu’elle volera de sa vie de mère élevant trois garçons en bas âge, se mettra durant quatre années à écrire des fragments d’un texte qui s’avérera un roman. Ahlem dira au sujet du passage de la poésie au roman : « Quand on perd un amour on écrit un poème, quand on perd une patrie on écrit un roman ».
L’Algérie, en effet, n’a jamais quitté Ahlem, qui dira aussi : « Il y a des pays qu’on habite et d’autres qui nous habitent ».
Nous allons revenir plusieurs siècles en arrière, changer de genre, pas seulement pour ceux qui sont des hommes mais les femmes sont également concernées et quand il s’agit de parler de Femme Anouar Benmalek l’écrivain Algérien ne nous épargne rien dans son grand “O Maria”. 480 pages
Date de parution: 27/08/2008
Editeur d’origine: Fayard
Langue: Français
“The roman” sans conteste était sujet de débat,cette semaine ,au sein du club de lecture des Algériennes de Washington.
Une rencontre ,au delà de l’emblématique car il s’agit de faire redémarrer une mémoire collective , un voyage périlleux dans les dédales de la féminité conjuguée a l’Algerianite .
Une rencontre très violente avec soi pour commencer et un retour fatalement des plus douloureux sur les années noires de l’Algérie des années 90 .
« Ma mère était cruelle et je l’aimais comme on aime un ange . Elle de son cote ,m’aimait comme on aime un bâtard… »
D’entrée et des les premières lignes du prologue l’auteur s’attaque a l’origine,a l’intrinsèque au fondement de la création et rejette en vrac le sociétal,les us et les conventions.
Le convenu,le mot est lâché et rien ne sera comme avant une fois que vous aurez fermé la 480 énième page de ce livre/colère.
Autrement dit, le roman est un coup de poing que l’on reçoit en pleine figure puisqu’il est question de tout bousculer et de renvoyer dos a dos le christianisme ,l’islam,les morisques,les espagnoles,les femmes ,les hommes,les amoureux,les haineux,les esclaves,les maîtres,la mort ,la vie,la pauvreté,la richesse ,le parental,le filial ,le beau,le laid …
Bref,nous parlons d’un incessant pas en avant et d’un deuxième en arrière.
L’auteur use et abuse de ses propres doutes de ses questionnement , de ses thèses,de ses anti-thèse et nous entraine dans une fatale perdition de l’essentiel: La liberté.
Maria/Aicha,cette espèce de femme/enfant, vierge/catin,humain/fantome,belle jusqu’au saisissement qui se fait capturer par des commerçants d’esclaves et depuis la vie avec un grand « V « s’arrête pour elle car il n’y a pas plus extrême que de perdre sa liberté au profit du pouvoir aveugle de l’humain et c’est tellement retords et c’est tellement violent.
L’auteur fera un vrai choix de la surexposition de l’image et racontera très froidement a coup de zoom, de gros plans et de plans serrés la cruauté humaine .
Il se débattra de bout en bout et procédera a ce que nous appelons communément du rentre dedans ce qui fera dire a certaines lectrices: » j’ai lâché le livre au bout de la 25e page…c’est irrespirable ,c’est trop violent. »
Benmalek a longueur de page déconstruit déboulonne,dissèque,malaxe,remodèle le corps féminin et se fiche de notre horreur . Sa lucidité face a l’histoire et ses ratages est palpable jusqu’au plus profonds plis de notre peau de peau…
Un mea culpa déroutant et sanglant qui vient s’imbriquer sur la période de l’inquisition espagnole dont nous ignorons les détails…les lectrices etaient unanimes a ce propos car elle diront que le roman est avant tout un support historique indéniable et tellement pertinent concernant l’inquisition en Andalousie en 1600 .
» je veux me documenter sur cette période importante de notre identité car l’auteur m’a ouvert les yeux sur une période sciemment oubliée par les historiens Européens et pas suffisamment traités par ces autres Arabes.. » Ajoutera une lectrice.
Une morphologie discursive donc qu’est ce roman/témoignage ,très fouillé qui se décline sous forme d’une mosaïque construite poings fermés et front serré .
Certaines rappellerons pour cela la formation de mathématicien de l’auteur ,féru de détails et épris de logique et cela se sent dans chaque mot savamment choisis et dans chaque phrase patiemment articulée sur fond de respiration/confidence et de mise a nu implacable .
Une des lectrice comparait le roman a un tiroir comprenant d’autres tiroirs secrets et multiplies a l’infini. Nous passons ainsi d’un thème a un autre et d’une découverte a un émerveillement avec une fluidité inouïe.
« Je m’en vais appeler au secours…le Prophète…Jésus…n’importe qui… »
Benmalek s’attaque a l’intouchable et démontre dans ces 480 pages que l’on ne peut pas construire une identité sur le religieux…Que cela est anxiogène ,destructeur et réduit l’homme a l’état de brute…La religion a cessé d’être source de sérénité a partir du moment ou elle a établi des hiérarchies dans la masse humaine et a décrété par la même que telle prière est la référence suprême,exclusive ,unique et tout le reste est blasphème.
A ce stade du débat l’Algérie des années 90 fit une entrée tonitruante et la charge mémorielle se libère assez violemment pour finir par debouler sur la folie.
le pèlerinage était plus que troublant et faisait particulièrement mal,tres mal.
O Maria est un recueil sur l’amour absolu tellement précaire ,une confidence des plus sinistre sur l’enfermement des cœurs et des têtes que l’auteur transcendera a coup de construction cosmique et nous nous soumettons docilement a une sorte de héros/fantôme qui nous parlera longuement sur l’injustice magistrale dont seule la vie est parfois capable et coupable.
O Maria est un roman qui ne fait pas de cadeau.
O Maria est un roman qui avance par la force transgressif et cela fait beaucoup de bien de donner un bon coup de pied dans le politiquement correct.
PS 1:
Ce serait prétentieux de dire que nous avons débattu de tout,lors de notre rencontre, et puiser tous les thèmes traités dans le roman mais cela nous a permis au moins de faire une lecture plurielle d’un récit qui nous concerne et nous permet d’avancer.
PS2:
Bravo a ces Dames qui ont joué le jeu et ont relevé le challenge notamment en oubliant le régime et les calories pour quelques minutes et abuser copieusement d’une tomina au miel made in chez nous.
PS 3:
la prochaine rencontre se déroulera autour du livre de Assia Djebbar :La disparition de la langue française. Avis aux amatrices.Cheers.

Il l’avait lui-même écrit pourtant , avec une étrange prémonition :
« Je mourrai assassiné comme Lorca, et ils feront croire à une affaire de moeurs. »
Yahia El Ouahrani , poète Algérien d’expression française (1926-1973) né en 1926, à Béni-Saf, près d’Oran, d’une mère célibataire d’origine espagnole.
Les critiques diront que cette naissance bâtarde marquera son œuvre et sa vie.
Il est d’abord instituteur, puis il se rapproche du monde culturel algérien dont il partagera les interrogations et les luttes.
Cet algérien blessé, jeté en pâture aux oubliettes par l’Algérie indépendante n’est autre que le poète Jean Senac.
Sénac n’aura pas profité de la « baraka » de l’Algérie ,le pays qu’il a tant aimé puisqu’il sera assassiné au 2, rue Élisée .
Au sous-sol de son taudis , Sénac gisait, les bras en croix. Le poète ne pouvait plus voir les étoiles : ses yeux s’étaient fermés. Son corps était froid. Il avait cinq entailles à la poitrine.
Saignent (…)»
Index:
Conformément au testament de Jean Sénac les archives de son œuvre se trouvant à Alger ont été remises à la Bibliothèque nationale d’Alger Une autre partie de ses archives est déposée aux Archives de la Ville de Marseille.
Ouvrages:
1. Le Soleil sous les armes. Éléments d’une poésie de la résistance algérienne, éd. Subervie, Rodez, 1957 .
2. Pour une terre possible, poèmes et autres textes inédits, éd. Marsa, Paris, 1999 .
3. Pour Jean Sénac, ouvrage collectif, éd. Rubicube, Alger, septembre 2004 .